Annadjib Ramadane

Ma visite au parc national de Zakouma

Du 17 au 21 janvier dernier,  j’ai pu visiter le parc national de Zakouma. Cette visite a eu lieu dans le cadre d’un Bootcamp, organisé par le club anglais du centre culturel Al Mouna de N’Djaména, en partenariat avec l’office national de promotion du tourisme.

Le parc national de Zakouma est situé à environ 800 kilomètres au sud-est de la capitale tchadienne, N’Djaména. Avant l’indépendance du Tchad, c’était une zone de grande faune où beaucoup de colons venaient chasser. En 1958, le parc est devenu une réserve et c’est en 1963 qu’il devient officiellement le premier parc national du Tchad. Le parc de Zakouma couvre une superficie de 3000 kilomètres carrés où il est interdit de chasser, de pêcher, de couper des arbres, d’introduire du bétail et d’y habiter.

Entrée du parc national de Zakouma. Photo : Annadjib Ramadane.

Zakouma, un espace de tourisme

Le parc national de Zakouma a accueilli pendant la saison touristique de 2017, 2225 touristes originaires du Tchad, d’Europe et des États Unis, soit une augmentation de 83% par rapport à 2016. Chiffre résultant probablement de la stratégie marketing et de communication mise en place ces dernières années au parc.

Le parc de Zakouma a un « tourisme à 3 niveaux ». Pour les VIP, il y a un hôtel où la nuitée coûte près de 130 euros à l’intérieur du parc.

Vue des chambres d’hôtel de Zakouma. Photo : Annadjib Ramadane.

Pour ceux qui ont de gros moyens, il y a un camp nomade très demandé, avec des tentes venues d’Afrique du Sud, et dont l’effectif est de 8 à 10 personnes. Dans le camp nomade, la nuitée coûte 700 dollars et les réservations sont pour le moment pleines jusqu’à 2021. Le camp nomade est situé près des couloirs de migration des animaux. Ce qui fait qu’on n’a pas besoin de se déplacer en voiture pour les voir. Toute la faune de Zakouma défile quotidiennement sous les regards émerveillés de ceux qui ont de quoi s’offrir un tel spectacle.

Un éléphant au Parc National de Zakouma. On peut voir son collier GPS. Photo : Taoufiq Quaresma.

Et enfin, il y a un camp de passage gratuit, pour les simples visiteurs comme nous. C’est simple, on mange à la belle étoile et on peut même voir des hyènes roder en soirée.

Vue de notre habitation. Photo : Annadjib Ramadane.

En ce début d’année, le célèbre magazine Bloomberg a classé le parc national de Zakouma comme l’une des 21 destinations touristiques à visiter dans le monde en 2019. Preuve que le parc national de Zakouma est l’une des destinations touristiques incontournables au Tchad et même dans le monde.

Zakouma, un espace riche en faune et en flore

La diversité en faune et en flore du parc national de Zakouma en a fait un espace de recherche scientifique incontournable au Tchad.

Il y a plein de girafes à Zakouma. Pas besoin d’aller loin pour les trouver. En plus, elles prennent la pose quand elles voient une voiture… Photo : Taoufiq Quaresma.
Une des voitures de tourisme. Photo : Annadjib Ramadane.

En chiffre, le parc compte approximativement :

  • Plus de 1000 espèces fauniques,
  • Plus de 600 espèces floristiques,
  • 371 espèces d’oiseaux dont les migrateurs viennent de destinations aussi éloignées que l’Europe de l’est (aigles),
  • 66 grands mammifères,
  • 44 espèces de poissons.

Zakouma, plus qu’un parc : une entreprise

Gérer les 3000 kilomètres du parc pour un État comme le Tchad qui n’a pas de grands moyens n’est pas chose facile. C’est ainsi que depuis 2010, en vertu d’un partenariat public-privé avec le gouvernement tchadien, le parc national de Zakouma est dirigé par l’ONG African Parks.

Le parc est géré comme une entreprise avec un conseil d’administration où toutes les décisions sont prises et un conseil de gouvernance.

Ayant comme autre partenaire de choix l’Union Européenne, il a été initié depuis quelques années un renforcement des capacités des ressources humaines du parc, car il faut préciser que 25 gardes sont tombés sous les balles des braconniers.

Le parc dispose de deux avions (dont un offert par une personne de bonne volonté) chargés de la surveillance aérienne (60 heures de vol par mois).

Les réalisations dans le domaine social du parc

Lors de notre séjour à Zakouma, on a eu l’occasion de visiter l’école primaire et le lycée de Goz-Djarat, village situé juste à l’entrée du parc.

Les membres du club d’anglais ont effectué un service communautaire (nettoyage de la cour, don de matériels scolaires, de vêtements et discussions avec les élèves).

L’école et le lycée ont été construits avec des briques fabriquées par une machine offerte au parc par un donateur. Le lycée a un internat de 60 élèves qui seront accompagnés jusqu’à l’université par le parc, un salle multimédia (la seule de la région) et une bibliothèque (avec des bandes dessinées). Le parc a également construit dans le village un centre de santé et divers points d’eau.

J’ai oublié le nom de cet animal, mais en arabe tchadien, on l’appelle : Tétal. Photo : Taoufiq Quaresma.

Pour conclure, quelques informations utiles

  • Le Tchad a déposé la candidature du parc national de Zakouma pour qu’il entre au Patrimoine mondial de l’Unesco,
  • Un village animiste très ancien a l’autorisation depuis 1963 de vivre à l’intérieur du parc selon ses us et coutumes,
  • Le parc ne possède pas d’espèces endémiques, cependant on a plus de 30% de l’effectif mondial de la girafe du Kordofan.
Des crocodiles. Photo : Taoufiq Quaresma.

Le parc national de Zakouma est un endroit à visiter absolument, surtout pour la génération tchadienne hyper connectée qui ne fait que s’extasier devant les photos de nos richesses touristiques, mais ne pense jamais à aller voir ça de plus près.

Annadjib.


Au Tchad, le festival Dary pour bien terminer l’année 2018

Du 22 décembre 2018 au 2 Janvier 2019, il s’est tenu à la place de la nation de N’Djaména, le Festival Dary. Avec pour slogan « Notre Pays, nos Merveilles », le festival avait pour objectif de valoriser le potentiel culturel et artistique tchadien à travers des danses, des expositions, des prestations artistiques, des jeux et de la gastronomie. 12 jours de festivités pour oublier et bien terminer l’année 2018 qui fut compliquée pour beaucoup de tchadiens.

Étant plus ou moins intéressé de culture, j’ai manifesté un certain enthousiasme quand j’ai appris qu’on organisait bientôt un festival à N’Djaména. Sachant qu’au Tchad l’année 2018 fût principalement marquée par la crise économique, les forums plus ou moins utiles, les grèves, les marches à répétitions, les affrontements au nord du pays, etc., assister à un festival serait une bonne façon de se changer les idées et mettre un peu de couleur à notre sombre quotidien.

Ma visite au festival

N’ayant pas pu me rendre au festival le 1er jour, car les routes étaient bloquées à cause de la visite du président de la République française au Tchad, j’y suis allé le lendemain vers 14 heures.

La place de la nation, lieu abritant le festival Dary, était pleine de monde et de couleurs. Le bleu, le jaune et le rouge, couleurs de notre cher drapeau national étaient visibles de partout.

Ballet, Bleu – Or – Rouge au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

Le festival dary était comparable à une sorte d’énorme village où chaque région du Tchad était représentée par une délégation, une habitation et les principaux éléments de sa culture.

Une région, une culture

Chacune des délégations provenant des différentes régions du Tchad étaient basées dans une reconstitution de leur habitation. Comme par exemple la simple case pour les habitants du Mayo Kebbi – Est, ou la tente pour les nomades.

Bienvenu au Borkou. Photo Annadjib Ramadane

Les différentes délégations rivalisèrent d’ingéniosité pour orner tant à l’intérieur qu’à l’extérieur leurs habitations. A l’intérieur de certaines habitations, on pouvait sentir une douce odeur d’encens mêlé à divers autres parfums.

De l’encens et des parfums au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

On pouvait voir différents objets d’intérieur comme des tapis faits à base de peaux d’animaux, des habits traditionnels, des couvertures, des ornements, des théières, des ustensiles de cuisine…
A l’extérieur, c’était plutôt les différents produits alimentaires et productions artisanales des régions qui étaient mises en valeur dans différents stands. On pouvait donc voir des assortiments de fruits et légumes secs.

Dattes au Festival Dary. Photo : Yacoub Doungous
Une calebasse pleine de tomates séchées au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

Il y avait aussi des produits qui font la fierté de certaines régions, comme le miel, le beurre de karité, la spiruline, le lait, le coton, la gomme arabique…
On pouvait admirer de belles réalisations artisanales comme des bagues en argent, des colliers de pierre précieuses, des instruments de chasse, des statuettes, des chaussures en peau etc.

Sandales devant le stand du Ouaddaï au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane
Ardoise au milieu de chapelets et autres colliers. Photo : Annadjib Ramadane

Et parfois des livres qui parlent de la région. L’occasion d’apprendre énormément de la culture des autres.

Les différents tatouages des chameaux chez la communauté Zakawa. Photo Yacoub Doungous

Outre les stands et habitations, on pouvait aussi assister aux danses des différentes délégations.

Des danses et encore des danses

Si on devait résumer le festival en un mot, ce serait certainement « danses ». Durant les 12 jours du festival, on a eu droit toute la journée à des danses interminables. Chaque après-midi à la tribune de la place de la nation, 2 régions étaient invités à faire des prestations de danse devant une foule immense constituée d’officiels, de personnes venues en famille, d’amateurs de danses et de curieux. Une sorte de Battle traditionnelle avec des youyous, des sauts et des personnes qui battent inlassablement des mains.

Danseurs du Mayo Kebbi au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

Pendant que certains dansaient à la tribune, d’autres délégations dansaient devant leurs stands.

Danseuses du Logone Oriental au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

Vu l’affluence des personnes et la taille moyenne de l’endroit, on se senti très vite à l’étroit et de justesse, on évita à plusieurs reprises les débordements.

Les infatigables danseurs du Kanem au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

Après les danses qui se terminent généralement avant le coucher du soleil, place aux concerts et autres prestations artistiques.

Des soirées animées

Personnellement, je n’ai assisté à aucune des soirées du festival Dary, mais vu ce que j’ai pu observer, lire sur internet ou même entendre, les organisateurs ont mis les petits plats dans les grands. Concerts, pièces de théâtres, Stand-up etc. Des artistes étrangers ont été invités et même un artiste tchadien vivant à l’étranger est venu pour faire un concert.

Epilogue

Je ne suis passé que 2 fois au Festival Dary. Lors de ma première visite, j’ai pris tout mon temps pour visiter les stands et prendre des photos.

Une femme de l’Ennedi-Est au Festival Dary. Photo : Yacoub Doungous

Lors de la seconde, j’avais un sentiment de déjà-vu. Les mêmes stands, les mêmes danses… il n’y avait pas vraiment de nouvelles activités, d’expositions ou de jeux comme promis par les organisateurs.

Sacs, coussins et chapeaux en peau au Festival Dary. Photo : Annadjib Ramadane

Quoi qu’il en soit, le festival Dary était une bonne initiative. Bravo aux organisateurs.

Bonne année à tous. Mes meilleurs vœux.

Annadjib


À N’Djaména, les « sorties » ou moments de détente

À N’Djaména, le weekend, il est habituel de voir aux différentes sorties de la ville des marchands ambulants courir vers les voitures pour vendre du pain et différents légumes. Des voitures et pickups, le plus souvent bondés de monde, avec à l’arrière des moutons, des thermos, des boissons gazeuses, du bois de cuisson, des marmites, du matériel de grillade etc.

Toutes ces voitures qui défilent vont en « sortie ». Les sorties sont une sorte de pique-nique à la tchadienne. Les weekends, beaucoup ont pris l’habitude de quitter très tôt la ville pour passer la journée dans leurs vergers – ou ceux de particuliers – situés à quelques kilomètres de la ville, ou même sous les arbres situés au bord des fleuves environnants. Le but de ces sorties est simple : prendre du bon temps et oublier les problèmes de la ville.

Les sorties, ces moments de détente.

Les sorties font partie intégrante de la culture populaire tchadienne. Tout le monde y va. Jeunes, vieux, hautes autorités… car, d’un côté, avoir un verger est assimilé à un signe de richesse, et de l’autre, c’est un investissement qui profite à tout le monde, car même ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir leur propre verger, peuvent venir passer la journée dans celui d’un parfait inconnu, à condition d’avoir l’autorisation du gardien des lieux.

Les sorties se déroulent généralement de la même façon.

Préparation du repas

Après installation et répartition des tâches, on procède à l’abattage et au dépeçage du mouton. L’équipe chargée de la cuisine va d’abord préparer le Marrara ou tripes qui seront servies en guise de petit déjeuner en attendant le repas de midi.

Un plateau de Marrara. Photo : Annadjib Ramadane

Au déjeuner, on consomme principalement de la viande grillée et du Djogdjoga (ragoût de mouton).

Grillages. Photo : Annadjib Ramadane

Entre les repas, on peut même profiter pour boire du lait frais de chamelle que l’on trouve dans les environs.

Jeux et discussions

Les sorties étant des moments de détente, on passe le plus clair du temps à parler de tout et de rien. On se raconte des blagues, nos souvenirs du quartier, l’essentiel étant de rire et d’oublier les problèmes de la ville. Quant à ceux qui n’aiment pas trop parler, ils s’occupent avec des jeux comme le Scrabble, le Monopoly ou les cartes.

Une partie de Scrabbles. Photo : Annadjib Ramadane

La partie de Monopoly fut terriblement longue, car beaucoup ne comprenaient pas bien les règles du jeu.

Partie de Monopoly. Photo : Annadjib Ramadane

Des sorties pour le budget de tout un chacun

Il n’est pas compliqué d’organiser une sortie. La plupart du temps, les personnes intéressées cotisent selon leur nombre, leurs destination et leurs moyens. 2000, 4000, 5000 ou même 10.000 Fcfa. Des budgets qui sont à la portée de tout un chacun, de l’écolier au chômeur vétéran, en passant par le cadre moyen. Donc, si vous êtes fatigués par N’Djaména et que vous voulez vous changer les idées, vous savez quoi faire !

Annadjib


À N’Djaména, le blanchiment de la peau est devenu banal

À N’Djaména, capitale de la république du Tchad, le blanchiment de la peau est devenu une pratique banale, comme dans beaucoup d’autres villes du continent africain.

Le blanchiment de la peau, pratique sans cesse décriée pour ses conséquences néfastes sur la santé de ceux qui la pratiquent, est devenue en quelques années un véritable phénomène de société à N’Djaména. Les produits éclaircissants, ou « ambi » comme ils sont communément appelés ici, se vendent comme des petits pains.

Le phénomène touche quasiment toutes les couches de la société. Riches, pauvres, jeunes et vieux. Bien qu’il est devenu banal, le blanchiment de la peau est un sujet tabou avec différentes causes.

Plaire aux hommes

Lors de ma petite enquête sur le sujet, la réponse qui revient le plus souvent c’est que les N’Djaménoises se blanchissent la peau pour plaire aux hommes. Car il faut l’avouer, à N’Djaména, pour beaucoup, c’est la couleur de peau d’une femme qui fait sa beauté. Les femmes à la peau claire, dites Hamra, sont celles qui rencontrent le plus de succès auprès des hommes. Elles sont présumées avoir plus de chances de se marier, et certaines familles peuvent même par ricochet réclamer une dot considérable contre la main de leur fille.

Complexe d’infériorité

Certains évoquent le complexe d’infériorité comme cause du blanchiment de la peau. La clarté de la peau étant devenu un standard de beauté, les femmes avec une peau d’ébène, mal dans leur peau, vont tôt ou tard se l’éclaircir. Plus étonnant encore, il arrive que même des femmes naturellement « claires » utilisent des produits pour s’éclaircir la peau, ce qui revient à un concours silencieux de beauté où la gagnante sera celle qui, à long terme, aura la peau la plus blanche. Peu importe les risques qui vont avec.

Un sujet tabou

Le blanchiment de la peau est un sujet tabou à N’Djaména. Les jeunes filles se blanchissent la peau sous le regard parfois complice de leur entourage, on se partage des conseils sur quel type de crème utiliser, quelle injection prendre pour détruire de l’intérieur les pigments de la peau et avoir une peau digne d’une métisse ou d’une blanche, sans se préoccuper des dangers de la pratique. Car, selon les médecins, cela cause des boutons, cicatrices, vergetures, mauvaises odeurs (de brûlé) et même des cancers.

Les hommes, présumés cause principale du phénomène, font semblant et n’évoquent que très rarement le sujet. Sûrement pour éviter de se faire traiter de « tapette », car ici un homme qui s’intéresse à ce genre de sujet est très mal vu. Alors qu’il suffirait de discuter sérieusement sur le problème pour faire changer les choses. Car ce ne sont pas tous les hommes qui fantasment sur les femmes à peau claire.

Quant à moi, j’avoue avoir une grande attirance pour les femmes qui savent cuisiner…

Annadjib


Y a-t-il des influenceurs au Tchad ?

Il y a une question que je me pose depuis un moment. A-t-on des influenceurs au Tchad ?

L’influenceur ou web-influencer est un terme né sur les réseaux sociaux. Il désigne principalement quelqu’un de très actif sur les réseaux sociaux, suivi par des milliers de personnes et qui par son statut peut influencer leurs habitudes de consommation, leurs manières de penser. En bref, un leader d’opinion qui est parfois sollicité par des marques, entreprises, hôtels, ONG… pour leur faire de la publicité, lancer des campagnes numériques, etc. Ces influenceurs sont pour la plupart spécialisés dans un domaine particulier. C’est pour ça qu’on parle d’influenceur beauté, mode, sport, tech, voyage, politique, etc.

Alors le Tchad, pays qui, sur près de 15 millions d’habitants, a environ 800 000 internautes et près de 300 000 utilisateurs des réseaux sociaux, a-t-il des influenceurs web ?

Des leaders d’opinion, mais sans les marques qui vont avec

Il est certain qu’au Tchad, on a des personnes qu’on peut qualifier de leaders d’opinion sur les réseaux sociaux. Personnalités politiques, artistes, activistes, humoristes, vidéastes et blogueurs qui, à chaque publication, génèrent un nombre impressionnant de likes et d’interactions.

Mais d’un point de vue marketing, il n’y a quasiment pas, à ma connaissance, de leaders d’opinion ou d’influenceurs qui collaborent au Tchad avec des marques. D’ailleurs au Tchad, on n’a pas vraiment beaucoup de marques ; et les entreprises qui ont de véritables stratégies numériques se comptent sur le bout des doigts.

L’économie numérique est quasiment au point mort et cela explique pourquoi la plupart des entreprises basées au Tchad préfèrent les bonnes vieilles méthodes commerciales qui se résument aux panneaux publicitaires, spots télévisés et communiqués radios.

De la difficulté d’influencer un internaute tchadien

L’internaute tchadien est particulier. Il peut liker, commenter et partager une publication, mais quand il s’agit d’un appel à l’action (participer à une campagne numérique, utiliser tel hashtag pour faire passer tel message, participer à une collecte de fonds, assister à un atelier ou une conférence) de la part de ces influenceurs, on remarque qu’il n’y a vraiment plus personne. Car il faut l’avouer, la plupart des internautes tchadiens sont d’abord influencés par des critères comme la religion, l’ethnicité, le sexe et l’appartenance politique.

Tout ça pour dire qu’au Tchad, au lieu de parler d’influenceurs, on pourrait tout simplement parler de « personnes connues sur internet ».

Annadjib


Y a-t-il une culture numérique au Tchad ?

Ces derniers temps, beaucoup parlent de culture numérique au Tchad. Parfois positivement, pour dire que des compétitions, des formations et des conférences sont mises en place pour la promouvoir, parfois négativement, pour dire qu’elle est faible, ou qu’elle n’existe carrément pas au Tchad.

Alors, qu’est-ce qu’on entend par culture numérique ?

Selon Wikipedia :

La culture numérique est une expression qui fait référence aux changements culturels produits par les développements et la diffusion des technologies numériques et en particulier d’Internet et du web.

Tout ça pour dire que la culture numérique renvoie aux connaissances et aptitudes en matière de technologies digitales et, aussi, au fait d’en saisir tous les enjeux.

Sachant que la culture numérique implique l’appropriation des outils numériques et le changement de notre perception du monde via la compréhension de leurs enjeux, peut-on vraiment parler de culture numérique au Tchad ?

Une appropriation encore faible des outils numériques au Tchad

On parle ici de l’utilisation des outils numériques et de la maîtrise des aptitudes techniques qui vont avec, comme le codage, la programmation, la maintenance…

Or, pour rappel, selon le rapport sur le digital en Afrique de 2018, sur près de 15 millions d’habitants au Tchad, seul 5% utilisent Internet.

Sachant que, par définition, la culture est ce qui est partagé par une pluralité de personnes, et que la culture numérique est étroitement liée à internet, on peut, au regard de ces chiffres, affirmer qu’au Tchad, la culture numérique est d’abord celle du petit nombre.

  • De l’utilisation des outils numériques au Tchad

Pour revenir à l’utilisation des outils numériques, il faut rappeler qu’au Tchad, 89% des connexions Internet se font via mobile. L’outil numérique le plus utilisé au Tchad, c’est le smartphone. Quant à l’usage des réseaux sociaux, on a près de 300.000 utilisateurs, soit à peu près la moitié du nombre des internautes tchadiens. Et vu que la grande partie des internautes tchadiens confondent internet et réseaux sociaux, on est en droit de se demander si au Tchad, tout ce qui est « culture numérique » ne se résume pas, en réalité, aux réseaux sociaux.

Quant à l’ordinateur, il ne sert qu’à regarder des films, écouter de la musique, jouer et utiliser des applications basiques comme Microsoft Word et Excel.

  • De la maîtrise des aptitudes techniques liés aux outils numériques au Tchad

Au Tchad, toutes les disciplines qui sont liées de près ou de loin aux outils numériques ne sont transmises qu’à l’université. Et même là, les cours laissent à désirer puisqu’on continue de dispenser des enseignements devenus caduques. La pertinence d’un cours sur le langage Turbo Pascal* serait difficile à démontrer aujourd’hui.

Alors que, normalement, pour inculquer et promouvoir la culture numérique il faudrait commencer à en parler dès l’école primaire. Ce qui sera très difficile sans une politique précise du gouvernement à ce sujet.

En attendant, les tchadiens qui se lancent dans le numérique sont pour la plupart des autodidactes et les différentes formations payantes ou gratuites organisées ici et là ne sont guère suffisantes pour changer la donne.

Une compréhension encore faible des enjeux de la culture numérique au Tchad

Les enjeux de la culture numérique sont encore mal appréhendés au Tchad. Ailleurs, le numérique change complètement la façon d’apprendre, de penser, de communiquer, de se soigner, de faire des achats… Au Tchad, on préfère couper internet dès qu’il y a contestation car les enjeux politiques du numérique sont certainement ceux que l’on comprend le mieux ici.

En attendant, si vous résidez à N’Djaména et êtes intéressés par la question du numérique au Tchad, j’ai appris que dans le cadre du Novembre Numérique, on organise durant tout le mois de novembre différents ateliers et conférences sur le sujet.

Même si, dans notre contexte, organiser des conférences sur la BlockChain et le Bitcoin, c’est comme mettre la charrue avant les bœufs – beaucoup ne savent même pas ce qu’est un hashtag – il faut quand même y aller, car avant tout, on parle de culture numérique.

Annadjib

*Un certain type de language de programmation.


Au Tchad, de nouveaux forfaits internet qui ne changent pas grand chose

Vendredi 5 octobre 2018, Airtel, second opérateur téléphonique du Tchad, a lancé officiellement sa 4G. C’est à cet effet qu’affiches et banderoles arborant les nouveaux forfaits sont visibles un peu partout dans la ville de N’Djaména.

Le giga de connexion internet qui coûtait avant 12.000 FCFA passe à 1.500 FCFA (environ 2,3 euros), soit 8 fois moins cher qu’avant. La <<pluie de MB>> comme annoncée sur les tracts est arrivée.

Les nouveaux forfaits d’Airtel.

Les internautes tchadiens ont donc exulté et loué l’opérateur qui a enfin pris en compte leurs multiples plaintes et a fait un geste énorme dans la réduction des coûts de la connexion internet au Tchad.

Mais le hic dans cette histoire, c’est que le prix du giga a certes baissé mais les internautes tchadiens ne sont pas pour autant soulagés, car les prix des autres forfaits << abordables >> restent inchangés. Pour avoir 10 MB de connexion, il faut toujours payer 250 FCFA.

Alors, cette pluie de MB est-elle vraiment salvatrice, ou bien c’est encore une arnaque qui ne dit pas son nom ?

Des forfaits non adaptés aux internautes

Casser le prix du forfait c’est bien, mais mettre en place des forfaits adaptés et accessibles à tous les internautes c’est mieux.

Les nouveaux forfaits d’Airtel sont certes moins chers, mais pas du tout pratiques. Le délai de validité du forfait 1 giga passe d’un mois à une seule journée. Si on veut un forfait qui dure plus longtemps, il va falloir débourser 6.000 FCFA pour 4 gigas valables une semaine ou 20.000 FCFA pour 14 gigas valables 1 mois.

Les internautes sans pouvoir d’achat ne peuvent donc se permettre de dépenser jusqu’à 1.500 FCFA pour un simple giga de connexion valable une journée. Même dans l’urgence, même si on cotise, le jeu n’en vaut pas la chandelle.

La majorité des internautes va continuer à utiliser les anciens forfaits, ce qui n’est pas le cas de ceux qui utilisent internet à des fins professionnelles.

Des forfaits pratiques entrepreneurs du numérique

S’il y a un point sur lequel beaucoup sont d’accord, c’est que les nouveaux forfaits sont pratiques pour ceux qui n’utilisent pas internet comme un simple loisir.

Les médias en ligne, les entrepreneurs du numérique, les étudiants en ligne et autres voient dans le forfait 14 gigas à 20.000 FCFA valable 1 mois une aubaine. C’est plus pratique que l’ancien où on avait à peine 1,5 giga de connexion pour le même prix.

Quoi qu’il en soit, ces nouveaux forfaits ont le mérite de faire avancer les choses. On espère que l’autre opérateur téléphonique va riposter et proposer des forfaits plus abordables pour les internautes.

Annadjib


Au Tchad, internet est toujours une menace

On ne le dira jamais assez, au Tchad la connexion Internet est l’une des plus chères du continent africain. Un pays où le taux de pénétration d’Internet est de 5 %, soit le plus bas de tout le continent, avec environ 250.000 utilisateurs des réseaux sociaux seulement, pour une population de plus de 15 millions d’habitants. Malgré ces chiffres ridicules, alarmants, voire tristes, les autorités tchadiennes n’ont pas hésité à restreindre l’accès à Internet depuis bientôt 7 mois, et ce sans aucune explication. Pour eux internet est comme une menace.

Dénonciations et plaintes

Comme lors de chaque censure internet, les dénonciations n’ont pas manqué. Les articles, interviews télé, interventions à la radio, conférences de presse de la société civile, hashtags et révélations sur l’étendue de la censure se sont multipliés… Mais les autorités tchadiennes ont continué de faire la sourde oreille. Jusqu’en septembre, où les deux principaux opérateurs mobiles se sont présentés devant le juge, suite à une plainte déposée par des avocats tchadiens.

Lors de la 1ère audience, les avocats des opérateurs ont expliqué qu’ils étaient soumis à l’État. Ils ont signé un cahier des charges qui stipule qu’ils doivent « coopérer avec les hautes autorités et au besoin restreindre le réseau ».

Suite à cette déclaration, l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes du Tchad a été convoquée pour s’expliquer sur la censure. Puis, le jeudi 4 octobre 2018, le président du tribunal de grande instance de N’Djamena a rejeté la demande des avocats car il estime que la requête est recevable dans la forme mais mal fondée. Les avocats, déçus de la décision, ont prévu de faire appel. Mais pour les internautes tchadiens, il n’ y a pas grand espoir. Le Tchad n’est pas un pays comme le Bénin, où la mobilisation des internautes peut faire reculer les autorités. Ici internet est, et restera toujours, une menace.

Méfiance des autorités vis à vis d’internet

Les autorités tchadiennes ont toujours vu internet d’un mauvais œil. Les réseaux sociaux sont devenus le lieu de refuge de différents médias, d’activistes et d’organisations de la société civile qui utilisent ces nouveaux canaux pour diffuser des informations sans filtre, pour mobiliser ou faire des appels à manifestations. Et ça, les autorités le digèrent mal. Il faut rappeler que, selon le classement d’Internet Sans Frontière sur la liberté de presse en 2018, le Tchad est en zone rouge et occupe la 123ème position.

Carte Liberte Presse

Crédit image : RSF

C’est dans ce contexte qu’entre 2016 et 2018, il y a eu près de 4 censures de la connexion internet avec des délais allant jusqu’à 235 jours. La coupure étant devenue le seul moyen de museler tout ce beau monde. Et même si l’accès internet est désormais un droit fondamental, les autorités tchadiennes continueront sur leur lancée tant qu’ils ne comprendront pas qu’internet est une opportunité pour tout le monde. Et surtout pour eux, car la plupart des fausses informations qui circulent sur la toile sont causées par leur manque de communication sur internet.

Annadjib


C’est quoi, être un blogueur au Tchad ?

Etre un blogueur au Tchad, c’est avoir constamment envie de raconter ce magnifique pays au monde entier. Ce pays qui est plus connu politiquement que culturellement. Ce pays dont la couverture médiatique par la presse internationale se résume parfois aux manifestations de la société civile, aux attaques rebelles, à la famine… en bref, toutes ses informations qui prouvent que c’est bel et bien un « Pays de merde ».

Etre un blogueur au Tchad, c’est parfois raconter des choses qui paraissent banales comme un étal de pastèques, mais qui arrachent toujours un sourire aux enfants du pays.

Etre un blogueur au Tchad, c’est avoir envie de raconter la vie des gens qui vivent dans cet immense pays d’1 284 000 km2. C’est raconter les doutes et les atermoiements de ce jeune paumé, incapable de faire des choix pourtant cruciaux pour son avenir, mais qui n’hésite pas une seconde quand il s’agit de défendre l’honneur de son pays et de sa famille. Etre un blogueur au Tchad, c’est raconter le quotidien de cette jeune fille, « tombée enceinte par erreur » qui, malgré les moqueries et les préjugés, garde la tête haute et enlace fièrement et tendrement son enfant.

Etre un blogueur au Tchad, c’est participer à une course de fond. Un combat quotidien qui nécessite parfois beaucoup d’efforts, beaucoup de sacrifices et une endurance à toute épreuve.

Etre un blogueur au Tchad, c’est être prêt à alimenter son blog via son téléphone, être prêt à économiser assez pour s’assurer une connexion internet. C’est ne pas reporter la publication d’un article parce qu’il y a coupure, et se déplacer de quartier en quartier à la recherche de l’électricité.

Etre un blogueur au Tchad, c’est écrire encore et encore, c’est apporter sa contribution, même minime dans la création de contenus tchadiens sur internet. Et surtout ne rien lâcher, même si, parfois, on se dit que ça ne sert à rien.

Annadjib


En bref, notre quartier est innondé

N’djaména. On est au quartier N’Gabo, dans le 8ème arrondissement de la capitale tchadienne. Les rues sont inondées, au loin on voit une voiture bloquée dans la boue, un malheureux motard qui a surement glissé -sa djellaba est recouverte d’une mixture marron et visqueuse- on voit aussi une charrette qui transporte une moto et quelques personnes… En bref, c’est la saison des pluies.

Il y a une semaine, une violente averse s’est abattue sur N’Djaména. Certains disent dans mon quartier que c’est une pluie comme on en voit tous les cinq ans. En une nuit, le canal de drainage des eaux pluviales a été saturé au point de déborder dans les rues. Les eaux du quartier ne pouvant plus s’écouler, elles sont restées à l’intérieur du quartier, de sorte que le lendemain une étendue d’eau de près de 700 mètres est apparue dans la rue principale (qui est un peu basse). Beaucoup de maisons ont été inondées et les occupants ont été obligés de partir en attendant que l’eau s’écoule enfin.

Difficile de sortir du quartier

Depuis que le quartier est inondé, il est difficile d’en sortir. Les bus et les taxis ne peuvent pas traverser l’étendue d’eau, ils attendent donc les clients tranquillement de l’autre côté.

Pour traverser, chacun se débrouille. Soit on y va à pied, en prenant le risque de  se mouiller, de se salir ou même de glisser, soit on attend qu’une grosse voiture passe par là (un 4X4 de préférence) pour s’y accrocher vite fait. Mais on prend alors le risque de tomber parce que le propriétaire de ladite voiture a refusé de s’arrêter un moment pour permettre aux gens de monter…

Heureusement, il y a un moyen plus sûr et moins salissant de traverser l’étendue d’eau : les charrettes.

Dès le premier jour de l’inondation, l’esprit entrepreneurial des tchadiens s’est manifesté. Une douzaine de charrettes tirées par des chevaux sont apparues dans les rues du quartier. Les charrettes transportent en moyenne sept personnes, et le prix est de 100 FCFA pour un passager. Les charrettes transportent aussi des motos, des meubles etc.

Certains au quartier considèrent les charrettes comme une humiliation, un retour vers le passé, mais comme on n’a pas le choix, on fait avec. Il y aurait eu des pirogues, on serait quand même monté dessus.

Et la mairie dans tout ça ?

Deux ou trois jours après l’inondation du quartier, des agents de la mairie sont venus faire un état des lieux. Aux dernières nouvelles, un Caterpillar est enfin sur les lieux et creuse tant bien que mal un caniveau pour évacuer l’eau. En attendant, on utilise toujours les charrettes !

Annadjib.