Annadjib Ramadane

Au Tchad, la levée de la restriction des réseaux sociaux annonce des jours meilleurs pour le numérique

Le samedi 13 juillet restera un jour mémorable pour beaucoup d’internautes tchadiens. Après presque de 16 mois de restriction des réseaux sociaux au Tchad, le record de blackout numérique en Afrique selon Reporters sans frontières, le président de la république a annoncé, à la surprise générale, la levée de la restriction des réseaux sociaux lors d’un discours qui a eu lieu à la clôture du forum Tchad Numérique.

Finis donc les VPN, ces applications servant à contourner la restriction des réseaux sociaux et consommant une partie des forfaits internet, finis les lettres ouvertes et les dénonciations à coup de hashtags. Les internautes tchadiens sont désormais libres de s’exprimer et de donner leur avis en ce qui concerne la gestion de la chose publique.

La levée de la restriction des réseaux sociaux est avant tout un retour à la normale. On peut s’en féliciter ou s’en réjouir, ça dépend de tout un chacun. Mais pour moi, c’est aussi un signe annonçant des jours meilleurs pour le numérique au Tchad.

Une nouvelle dynamique pour le numérique au Tchad

Ces derniers mois, j’ai pu observer qu’il y a une certaine dynamique qui est en cours au Tchad. Notamment via la nomination de personnes jeunes, compétentes et surtout conscientes de ce que le numérique peut apporter au Tchad :

  • En avril dernier, a été organisé à l’Assemblée nationale une journée d’information sur les secteurs des postes et des TIC à l’endroit des députés, qui, pour la plupart sont des personnes âgées et un peu en déphasage avec le numérique ;
  • Des rencontres avec différentes associations évoluant dans le domaine du numérique au Tchad ont été entreprises ;
  • Le 13 juillet a été inauguré le réseau de fibre optique N’Djaména – Adré, qui permettra de baisser énormément le coût d’internet au Tchad et qui, selon les mots du ministre des postes et NTIC, « marque indubitablement l’évolution du numérique et son apport sur l’Economie de notre pays » ;
  • Et du 11 au 13 juillet 2019 a eu lieu à N’Djaména le forum Tchad Numérique qui s’est conclu par la levée de la restriction des réseaux sociaux.

Tous cela montre à suffisance que la situation change. Et même si pour le moment il y a plus de promesse que d’actes, on est en droit d’espérer un avenir meilleur, car même ceux qui hier négligeaient tout ce qui a trait au numérique se le réapproprient aujourd’hui.

Une réappropriation du numérique par le gouvernement

Le gouvernement tchadien qui était d’abord dans une certaine logique de négligence des réseaux sociaux est en train de se les réapproprier. Notamment en commençant à communiquer de plus en plus via ces plateformes et les sites web officiels. Même si cette communication n’est pas encore optimale, car certains ministères n’ont pas encore sauté le pas, ça fait toujours plaisir de savoir ce qui se passe quotidiennement dans nos différents ministères.

Juste après la levée de la restriction des réseaux sociaux, 4 pages Facebook officielles du gouvernement ont obtenu le badge bleu.

Peut-être un signe du réseau social pour nous dire qu’il suit de près ce qui se passe chez nous.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que la balle est dans le camp des internautes tchadiens. Ils doivent faire comprendre aux gouvernants que la levée de la restriction des réseaux sociaux n’est pas inutile. Surtout en publiant plus de contenus positifs et en utilisant de manière plus responsable les réseaux sociaux.

Pour conclure, méditons sur ces mots du président de la république :

Exprimez-vous en toute liberté ! Donnez votre avis sur la conduite des affaires publiques ! Critiquez librement l’action de vos gouvernants ! C’est votre droit le plus absolu comme je l’ai toujours affirmé.

Mais je vous exhorte à ne pas contribuer à répandre les idées rétrogrades et autre « fake news » qui, à force, fragilisent le lien social et finissent par ébranler la concorde nationale.

Annadjib.


L’internaute tchadien à l’épreuve des fake news

Le 17 juin est apparu sur mon fil d’actualité Facebook une vidéo montrant une femme en culotte se faire poignarder jusqu’à la mort part deux individus. Selon la description de la vidéo, il s’agit d’une Tchadienne qui travaillait comme domestique au Koweït. Après avoir laissé par inadvertance l’enfant de ses employeurs tomber du haut d’un balcon, ses employeurs l’auraient froidement assassiné. D’où la fameuse vidéo.

Un célèbre site web tchadien, le premier à avoir partagé la vidéo, a même mis sur son site trois messages audio, dans lesquels on entend des femmes tchadiennes affirmer connaitre la victime (elles ont mentionné son nom) et dire que la représentation diplomatique tchadienne au Koweït est au courant de l’affaire, mais n’en a rien à faire.

Capture d'écran du site web tchadien qui a relayé la vidéo.
Capture d’écran du site web tchadien qui a relayé la vidéo.

L’habitude : s’indigner avant de vérifier la source de l’information

Avant tout, il est normal qu’une vidéo de ce genre puisse choquer. Mais il faut aussi savoir que les histoires de domestiques qui se font assassiner dans les pays du golfe sont monnaie courante et dans les réseaux sociaux, la plupart du temps, des vidéos et photos circulent sans que l’on puisse trouver leurs origines.

Alors on a tendance à très vite s’indigner et à partager sans même avoir vérifié si l’information en question est vrai. Dans le cas de notre vidéo, beaucoup d’internautes tchadiens n’ont pas hésité à faire circuler la vidéo en jouant les indignés et en maudissant le Koweït. Et vu que la vidéo en question était accompagnée de messages audio, certains internautes téméraires n’ont pas hésité à faire des lives Facebook et à interpeller le gouvernement tchadien.

Alors qu’en réalité, il le ne s’agit pas d’une Tchadienne sur la vidéo et ceux qui ont écouté avec attention les messages audio peuvent facilement deviner qu’il ne s’agit que de suppositions.

Le bon réflexe : toujours vérifier la source de l’information et dans le doute s’abstenir de partager

Mon premier réflexe en regardant la vidéo était de vérifier si elle ne comportait aucun montage et s’il s’agissait vraiment d’une Tchadienne. Car dans ce genre de vidéos, les internautes de n’importe quel autre pays où les femmes vont travailler au Koweït peuvent affirmer qu’il s’agit d’une de leurs compatriotes.

Pour faire mon travail de vérification, j’ai d’abord utilisé la barre de recherche Facebook en utilisant les mots clés suivant : « Koweït – assassinée – domestique ». Résultat, je suis tombé sur une vidéo d’un site d’information malgache qui date du 18 mars 2019 (soit près d’un mois avant son apparition au Tchad) qui montrait un extrait de la vidéo en affirmant qu’il s’agit d’une domestique de nationalité malgache tuée au Koweït.

Après cette trouvaille, j’ai utilisé InVid, un outil plus précis de vérification d’images et de vidéos. Les résultats d’inVid m’ont redirigé vers un site gore hébergé en Europe de l’est. On y trouve des vidéos d’assassinats, de tueries de viols et autres.  J’ai trouvé la vidéo que je cherchais à l’accueil du site. Elle datait du 12 juin 2019 et avait pour titre « Brazilská řezničina » ce qui veut dire « boucherie brésilienne ».

InVid extension
Capture d’écran InVid

Cette trouvaille capitale m’a permis d’ajouter sur mes mots clés de recherche le mot « Brésil » et de tomber jusqu’à un article d’un site brésilien qui date de 2017. Selon l’article, la femme en question serait une brésilienne assassinée suite à une histoire de gang. Sur ce, j’ai arrêté mes recherches.

En écrivant ce billet, je suis tombé sur une publication d’une page Facebook qui a aussi trouvé une source à la fameuse vidéo.

Tout ça pour dire qu’il faut toujours vérifier la source d’une information avant de la partager ou de la commenter. Car ça peut vous éviter d’énormes problèmes.

Annadjib.

 


3 idées pour promouvoir le contenu local tchadien sur internet

Il y a 15 mois, on abordait sur ce blog la question du contenu local tchadien sur internet. Et principalement le négativisme qui caractérise la majorité des contenus qui y sont partagés, les défis des sites web et blogs tchadiens, et l’absence de propositions concrètes pour faire évoluer les choses.

Entretemps, rien n’a vraiment changé. Bien que le prix du gigaoctet de connexion internet a relativement baissé, les contenus tchadiens sur internet sont toujours à la traîne. Le « boum » des contenus tchadiens qu’on espérait n’a pas eu lieu. Pas de nouveaux contenus, tant en qualité qu’en quantité.

La question est tout autant négligée qu’avant. On pourrait même dire que cela va en s’empirant, puisque les réseaux sociaux deviennent au Tchad de plus en plus malsains.

Alors, que pourrait-on faire pour donner une nouvelle impulsion au contenu local tchadien sur internet ?

Vulgariser le nom de domaine « .td » pour une identité numérique propre

Le « .td » est l’extension du nom de domaine pays du Tchad. Avoir un nom de domaine pays est une certaine manière d’affirmer son identité numérique sur internet et de signifier que notre contenu cible et est attaché à une zone géographique donnée. Contrairement à certains pays africains qui ont mis en place des politiques et campagnes marketing pour la vulgarisation du nom de domaine national, le Tchad est resté figé.

Selon les chiffres de notre autorité de régulation des communications électroniques et des postes, le nombre de sites web utilisant le « .td » est inférieur à 500. Sachant que le Tchad compte près de 779 000 internautes, ce chiffre parait ridicule.

3 raisons peuvent expliquer cette situation :

  • La cherté du nom de domaine « .td » : il coute près de 75 000 francs CFA (environ 114 euros), soit jusqu’à 10 fois plus cher que les noms de domaines « .fr » « .com » etc.
  • Les pannes techniques des serveurs « .td » : ce qui cause l’inaccessibilité des sites pendant plusieurs heures.
  • L’absence de politique de vulgarisation du nom de domaine « .td ». Beaucoup ne savent pas pourquoi il est important d’avoir un nom de domaine pays.

Toutes ces raisons font que l’on préfère utiliser les autres noms de domaines plus accessibles, moins chers et plus pratiques.

D’ailleurs, certaines institutions et ministères tchadiens n’utilisent pas cette extension, comme par exemple le ministère du plan ou celui de la Santé, alors que d’autres utilisent des sous nom de domaines tirés de « gouv.td ». Une non harmonisation qui prouve qu’il y a vraiment un problème quelque part.

Un nom de domaine « .td » moins cher et facilement accessible à tous les internautes encouragera nos créateurs de contenus à le privilégier pour leurs sites web. Ce qui sera déjà une grande avancée.

Récompenser les créateurs de contenus pour les encourager

Ces dernières années, dans certains pays à l’exemple du Cameroun, du Mali, de la Cote d’ivoire, du Bénin… on organise de plus en plus de concours, compétitions et cérémonies où l’on récompense les acteurs du numérique et créateurs de contenus.

Ces « Digital Awards », « Blog Awards » et autres – bien qu’il y ait derrière des raisons marketing – ont l’avantage d’encourager les créateurs de contenus, car ce qu’ils font a un sens, et d’inspirer les autres internautes pour qu’ils se lancent aussi dans la création des contenus de qualité. Que ce soit par passion, par envie de gagner des prix ou pour la « célébrité » qui va avec.

Cependant au Tchad, on n’organise pas trop ce genre de concours. Les seules fois où l’on pense à récompenser les acteurs du numérique, on se focalise uniquement sur les entrepreneurs (c’est la mode).

Ce qui est malheureux, car ce que font les créateurs de contenus est tout aussi important que les réalisations des entrepreneurs du numérique et autres.  Les uns ont une passion, les autres l’amour de l’argent…

Pourquoi pas une politique de promotion du contenu local ?

Avoir une politique claire et précise de promotion du contenu local sur internet aurait l’avantage d’englober les idées énoncée plus haut et d’essayer de trouver des solutions efficaces pour remplir le web de contenus tchadiens à jours et de qualité.

Danseurs Kanem Tchad
Danseurs du Kanem à la place de la nation. Photo : Annadjib Ramadane

Prenons l’exemple des images sensées faire la promotion du tourisme au Tchad qui circulent sur internet. Pour la plupart, ces images datent et se résument juste à certains lieux. Le nord du Tchad ne se résume pas seulement aux lacs d’Ounianga et notre capitale ne se résume pas seulement à la place de la nation.

Quoi qu’il en soit, la promotion du contenu local tchadien sur internet devrait être notre combat à tous. Car comme le dit le proverbe : « Ensemble, on va plus loin ».

Annadjib.


Ces signes qui annoncent le ramadan à N’Djaména

On est à N’Djaména, capitale de la république du Tchad. La température avoisine en moyenne pendant les mois d’avril et de mai les 40° C. Malgré cette température qui, sous d’autres cieux, pourrait aisément être qualifiée de canicule, la vie suit son cours à N’Djaména. Chaque jour, les véhicules et motos défilent à toute allure sur le bitume chaud et poussiéreux. Les vendeurs ambulants, les yeux plissés et les bras chargés de marchandises se faufilent tant bien que mal dans les rues étroites et bondées des marchés de la capitale. Devant les maisons, les jeunes allongés sur des nattes, s’entassent sous l’ombre des arbres et s’éventent tout en buvant du thé bien chaud…
Malgré ce quotidien relativement calme, les plus observateurs ont déjà pu constater que le mois de ramadan n’est pas loin. Pas parce qu’ils ont vu un quelconque calendrier, mais parce qu’ils peuvent déceler à travers ce qui se passe à N’Djaména, les signes annonciateurs de ce mois sacré.

Une odeur d’« Almé Abré » dans les rues

Almé Abré, ou littéralement « eau d’Abré » est une boisson fraîche qu’on consomme au Tchad lors de la rupture du jeûne. La boisson résulte d’une préparation faite à base de mil fermenté, mélangé à des fleurs hibiscus et divers arômes, dont principalement le gingembre et la cannelle.

Almé Abré
C’est cette mixture, qui, une fois cuite, devient l’Abré. Photo : Annadjib Ramadane.

Une fois les ingrédients mélangés, la mixture est cuite dans une grande poêle jusqu’à ce qu’elle ressemble à une sorte de grande crêpe rouge et sèche.
C’est le produit fini, qui, après avoir été placé dans de l’eau froide pour un moment, est filtré et donne une boisson légèrement rouge au gout fort. On y ajoute du sucre selon notre convenance.
L’une des particularités de cette boisson, c’est qu’on ne la consomme que pendant le ramadan. Alors, à l’approche du mois sacré, certaines femmes préparent ça chez elles, en quantités destinées à la vente. C’est ainsi que dans les rues de N’Djaména, on peut sentir un peu partout l’odeur forte et particulière de ce mélange. Une odeur qui fait directement penser au ramadan.

Les mariages du ramadan

Autre chose qu’on remarque à l’approche du ramadan à N’Djaména, c’est une hausse des mariages. Beaucoup préfèrent se marier ou consommer officiellement leur union à l’approche du ramadan, car ils estiment que débuter leur vie de couple avec le mois sacré du ramadan est une bonne manière pour consolider leurs liens tant sur le plan affectif que religieux.
Par ailleurs, certains préfèrent se marier avant le ramadan pour des nécessités pratiques et économiques. Le mariage est une occasion pour éviter de dépenser des sommes faramineuses et inutiles lors des cérémonies de noces. Cet argent pourrait être économisé et utilisé pendant le ramadan à des fins plus profitables à la communauté. Comme par exemple en offrant des repas aux nécessiteux.
Dans la vie de couple, il y a parfois des moments difficiles qui peuvent se terminer par un divorce. À l’approche du ramadan, les familles font tout pour réconcilier les couples divorcés ou juste séparés. Habituellement, on dit à l’épouse de patienter car sa place est dans son foyer. Quant à l’époux, on lui demande de craindre Dieu.

Les dernières sorties dans les jardins

Vu que pendant le ramadan on ne peut ni boire ni manger en journée, les jeunes de la ville ne manquent plus une occasion pour aller passer du bon temps dans les jardins. Les sorties qui ont d’habitude lieu les weekends ont désormais lieu quasiment tous les jours.

Une partie de Monopoly, lors d’une sortie dans un jardin. Photo : Annadjib Ramadane.

On aurait également pu citer comme autre signes annonçant le ramadan : la hausse du prix des denrées alimentaires ou les longs marathons d’excès. Mais bon, Ramadan Karim à tous !

Annadjib.


Une journée à Mongo, à la découverte de la gastronomie tchadienne

Il y a quelques jours, j’étais à Mongo, ville de la région du Guéra, située à près de 500 kilomètres au Nord-Est de N’Djaména, pour prendre part à la deuxième édition de la « Journée de la gastronomie tchadienne ».

Tout d’abord, il faut savoir que la Journée de la gastronomie tchadienne a été organisée par « Guéra Touristique », une association à but non lucratif qui œuvre dans la promotion du tourisme, la valorisation de la culture et l’aide aux populations du Guéra. Une région beaucoup plus connue par ses longues chaines de montagnes – dont la fameuse « Reine du Guéra » – que par son histoire, ses cultures et ses richesses.

Reine du Guera
Depuis Mongo, on peut voir la Reine du Guéra. Une chaîne de montagne qui fait penser à une femme allongée sur le dos. Photo : Annadjib Ramadane.

La Journée de la gastronomie tchadienne avait pour but de mettre en valeur la « vraie » cuisine tchadienne. Celle où on n’utilise pas d’arômes artificiels ni d’organismes génétiquement modifiés (OGM), celle qui prend tout son temps pour bien cuire.

Un public et des exposants variés

Il est presque 11 heures et de la musique s’échappe du centre social de Mongo, lieu qui abrite la journée de la gastronomie tchadienne. À l’extérieur, quelques passants curieux s’arrêtent devant le centre pour savoir ce qui se passe. Les exposantes retardataires arrivent enfin et se pressent pour dresser leurs tables. La journée de la gastronomie tchadienne peut enfin commencer.

La cour interne du centre social de Mongo a accueilli une trentaine d’exposantes aux profils variés. Femmes au foyer, cuisinières de formations, membres d’associations féminines, de groupements ou de coopératives. Toutes étaient là pour faire découvrir leur cuisine au public, mettre en valeur les produits de leurs régions respectives et vendre leurs plats cuisinés.

Femmes Mongo
Une vue de quelques exposantes. Photo : Annadjib Ramadane.

Quant au public, il était composé principalement des populations locales, d’expatriés et de quelques invités.

Des plats variés

Les exposantes ont fait leur maximum pour nous concocter des plats traditionnels aussi variés que succulents. Pas comme à N’Djaména la capitale, où le menu à l’air de se résumer à 4 ou 5 plats…

Jarre Mongo
À Mongo, on cuit parfois la nourriture dans des jarres en terre cuite. Photo : Annadjib Ramadane.

Il y avait donc, entre autres, de la bouillie faite à base de fruits du savonnier, de la sauce poulet cuite à base de pâte de sésame, des haricots accommodés à de la pâte d’arachide, de la pâte dite « chalop », et tout un assortiment de sauces et de desserts.

Boule de mil rouge
Du Digari ou boule de mil rouge très appréciée à Mongo. Photo : Annadjib Ramadane.

A la capitale, nous sommes plutôt habitués à manger des plats cuisinés avec des arômes artificiels, cela fait que, par moment, leurs plats avaient l’air de ne pas être assez salés pour nous.

Haricot Mongo
On appelle ce plat « Haricot Endurance » car il est fait à base de haricot et de pâte d’arachide. Photo : Annadjib Ramadane.

Quoi qu’il en soit, on s’est bien régalés.

Marrara Tchad
Des tripes ou Marrara. Photo : Annadjib Ramadane.

Les plats coûtaient entre 500 Fcfa et 2000 Fcfa.

Kissar Gombo
Kissar sauce gombo. Photo : Annadjib Ramadane.

Il y avait beaucoup de plats inconnus pour moi.

Igname Mongo
Warchangalli. Une spécialité N’Djaménoise faite à base d’ignames et de viande. Photo : Annadjib Ramadane.

Et puis, il y avait les desserts…

Du gougour au lait. Photo : Annadjib Ramadane.

Le fameux Halou fi assiette…

Gelée à la tchadienne.
Hallou fi assiette. Une gelée délicieuse. Photo : Annadjib Ramadane.

 

Visite rapide de Mongo avant le retour

La journée de la gastronomie tchadienne se termina aux alentours de 17 heures. Vu qu’on devait rentrer à la capitale le lendemain matin, on a profité de notre temps libre pour nous promener en ville, fouler le sol rouge et poussiéreux de Mongo et escalader quelques rochers.

L’ancien gouvernorat de Mongo. Photo : Annadjib Ramadane.

Mon séjour à Mongo fut court mais riche en enseignements. Comme l’a dit une exposante : « On doit valoriser notre culture à travers sa cuisine ».

Cuisine de Mongo.
Pour finir, ce qu’on a mangé avec les amis. Photo : Annadjib Ramadane.

Annadjib.


J’ai participé à la formation Yali Dakar

J’ai assisté à la session 14 de la formation hybride du Centre Régional de Leadership de l’Afrique de l’Ouest, autrement dit la formation YALI Dakar. Cette formation s’est déroulée du 6 mars au 12 avril 2019, la formation est dite « hybride » parce que les 2 premières semaines ont lieu en ligne et les 4 restantes à Dakar au Sénégal.
Pour ceux qui se demandent ce qu’est le Young African Leaders Initiative (YALI), c’est une initiative du Département d’État des États-Unis. Pour résumer, l’objectif du programme est de :

Soutenir les jeunes leaders africains dans leurs efforts pour stimuler la croissance et la prospérité, renforcer la gouvernance démocratique et améliorer la paix et la sécurité dans le continent africain.

Cela via 3 filières au choix : Business and entrepreneurship, Civic Leadership et Public Management.
Après 2 semaines de formation en ligne marquées par des cours vidéos, évaluations, discussions et travaux de groupe, c’est naturellement que je suis allé à Dakar pour la suite de la formation.

Vue de la ville de Dakar. Photo : Annadjib Ramadane.
Vue de la ville de Dakar. Photo : Annadjib Ramadane.

Arrivée à Dakar pour la formation en présentielle

Je suis arrivé à Dakar un dimanche à l’aube accompagné d’une dizaine de compatriotes. Etant libre le jour de mon arrivée, j’ai profité de mon temps libre pour me promener et découvrir la ville en attendant que les choses sérieuses commencent.

 

Début de la formation Yali-Dakar

La formation Yali-Dakar a commencé par une activité de 2 jours, appelée la retraite. L’activité a pour but de permettre aux participants provenant d’une quinzaine de pays de faire connaissance, d’avoir un aperçu global des projets des uns et des autres, de bâtir des communautés à travers diverses activités plus ou moins ludiques axées sur la coopération.

Après cette 1ère phase, les différentes filières sont séparées par leurs emplois du temps et débutent alors les activités dites intensives.

Etant dans la filière « Business et Entrepreneurship », mes journées étaient marquées par des ateliers, des rencontres, des panels, des sorties pédagogiques, conférences et travaux de groupes. Les journées étaient très chargées et parfois épuisantes.

Malgré tout ça, j’ai pu apprendre énormément des formateurs qui étaient vraiment très motivés et impliqués, des différents invités aux parcours atypiques et des autres participants et leurs projets.

La team Business and Entrepreneurship après une séance de travail au Synapse Center. Photo : Synapse Center.

La formation ne se résumant pas seulement aux cours, le 1er week-end on a pu visiter 2 lieux emblématiques de la ville de Dakar.

Visite du monument de la renaissance Africaine

En début de journée, on est allé au Monument de la Renaissance.

Le monument en question fait 7000 tonnes et surplombe la ville de Dakar. Avant d’arriver au pied de la plus grande statue au monde (car elle fait 52 mètres, donc plus grande que la statue de la liberté et de celle de Rio) il faut monter 188 marches. Selon le guide, c’est la plus grande construction en Afrique après les pyramides d’Egypte. Le monument abrite en son sein un beau musée de 3 étages. On peut prendre un ascenseur pour arriver au sommet du monument et avoir une très belle vue de la ville de Dakar.

Monument de la renaissance Africaine. Photo : Annadjib Ramadane.
Monument de la renaissance Africaine. Photo : Annadjib Ramadane.

Pour conclure, il faut retenir :

  • L’idée de construire un tel monument était d’Abdoulaye Wade, ancien président du Sénégal.
  • L’architecte était un sénégalais.
  • C’est une compagnie Nord-Coréenne qui s’est chargée de bâtir l’édifice.
  • Tout a été fait et monté au Sénégal.
  • Le tout pour un budget de 12 milliards de Francs CFA.

Après le monument de la renaissance, on est allé visiter la célèbre île de Gorée.

Visite de l’île de Gorée

L’île de Gorée, située dans la baie de Dakar et dans l’océan atlantique, est un lieu emblématique de cette tragédie qu’est la traite négrière. Lors de la visite de ce lieu classé sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1978, j’ai vu des visages serrés et tristes quand le guide racontait comment les esclaves étaient entassés dans de minuscules cases, comment on s’y prenait pour les enchaîner et les lyncher… Puis des visages bizarrement souriants quand il s’agissait de faire des selfies dans la célèbre maison des esclaves.

Quelque part sur l'île de Gorée. Photo : Annadjib Ramadane.
Quelque part sur l’île de Gorée. Photo : Annadjib Ramadane.

Par ailleurs, l’île étant autant un lieu de tourisme que de mémoire, on se perd vite dans ses ruelles étroites et colorées, on peut visiter ses anciens musées, ses 28 maisons des esclaves et admirer les différentes œuvres d’art qui y sont exposées.

Après ces fascinantes visites, les journées restantes de la formation Yali Dakar se sont très vite enchaînées et on a terminé notre séjour par une soirée culturelle marquée par les prestations artistiques des différents participants.

La formation YALI Dakar fût une belle expérience car on y apprend beaucoup, on découvre de nouvelles cultures, on se fait pleins de nouveaux amis et on peut, si on tombe au bon moment, assister à une fête nationale.

 

Durant mon séjour, j’ai également pu passer une soirée avec Lucrèce et Roger, 2 amis mondoblogueurs de longue date.

Merci pour tout.

Annadjib.


Au Tchad, une année de censure internet injustifiable

Cela fait déjà un an qu’un bon matin, les internautes tchadiens se sont rendus compte que plus aucun site internet ne passait. Certains avaient émis l’hypothèse d’un problème de réseaux, car il est banal dans cet immense pays sahélien qu’est le Tchad de voir les communications perturbées lors des tempêtes de sable. Mais hélas non. C’était la 2ème censure internet de l’année. La 1ère ayant eu lieu le 25 janvier 2018, suite à un appel à des marches et manifestations lancé par la société civile.

Ce qu’il faut savoir et retenir de cette censure internet, c’est qu’elle est la plus longue que le Tchad n’ait jamais connue. Sur les 4 censures internet ayant eu lieu au Tchad entre l’année 2016 et l’année 2018, le délai le plus long était de 235 jours. Cette fois-ci, on est à plus de 365 jours. Une censure internet ironiquement mise en route juste après la promulgation de la nouvelle constitution censée marquer l’avènement d’une 4ème république. L’avènement d’un « Tchad nouveau ».

Sourde oreille des autorités

Je ne vais pas faire ici la liste de toutes ces dénonciations, articles, interviews télé, interventions à la radio, conférences de presses de la société civile, campagnes, sit-ins et longs communiqués de toute part adressés aux autorités tchadiennes, car malgré toute la bonne volonté qu’il y avait derrière ces courageuses actions, rien ne semblait changer. Les autorités tchadiennes continuaient de faire la sourde oreille et parfois dans les sorties médiatiques de certains hauts cadres, la censure internet était même quasiment niée. Du moins jusqu’à une plainte déposée en septembre par des avocats tchadiens. La plainte a abouti à plusieurs audiences et convocations impliquant les opérateurs téléphoniques et l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes du Tchad. Même si le Président du tribunal de grande instance de N’Djamena a finalement rejeté la demande des deux avocats, cette plainte a permis de voir clair dans cette histoire. Les opérateurs téléphoniques ne peuvent rien faire.

« Toutes les fois qu’il y aura une situation impliquant la sécurité nationale… ils sont censés coopérer avec les hautes autorités et au besoin restreindre le réseau. »

De cette information, on pourrait déduire tout simplement que tout ce qui a rapport à internet au Tchad est désormais du domaine de la sécurité nationale. Car les appels à manifester, qui sont pour la plupart interdits pour cause de « troubles à l’ordre public », sont majoritairement partagés sur les réseaux sociaux. Les censurer serait donc appliquer dans une certaine mesure une prérogative comme une autre des autorités. Elles ne doivent s’expliquer ni rendre des comptes à personne. Un raisonnement très dangereux, car l’accès à internet est selon l’ONU un droit fondamental, et le restreindre c’est violer les droits de l’Homme.

Aux dernières nouvelles, la cour d’appel a confirmé le verdict du 1er procès rejetant la plainte des deux avocats, et honnêtement, même si les avocats envisagent de saisir la cour suprême, on n’espère pas grand-chose car les autorités tchadiennes ont l’air de mépriser les conséquences de cette année de censure internet.

Les graves conséquences économiques de la censure internet

En 2016, Internet Sans Frontière avait estimé le coût de la censure internet qui a eu lieu au Tchad durant 235 jours, à 18 millions d’Euros. Entre temps, NetBlocks et l’Internet Society ont lancé un outil de calcul de l’impact économique de la censure d’Internet à l’échelle mondiale. Il suffit d’aller sur la plateforme, indiquer le pays, les sites censurés et la durée.

J’ai essayé de calculer via la plateforme l’impact économique de ces 365 jours de censure internet sur l’économie tchadienne. Les chiffres sont là et donnent le tournis.

Coût des 365 jours de censure internet au Tchad.

Dans un premier temps, on pourrait douter de la véracité de ces chiffres, mais il faut préciser que selon le Rapport sur l’état du Digital de 2019, de janvier 2018 à janvier 2019, la fréquentation des réseaux sociaux au Tchad a fortement diminué : moins de 150 000 utilisateurs, soit une baisse de 54%. Même si ces chiffres sont à prendre avec des pincettes, cela constitue un énorme manque à gagner pour notre économie.

Quand la censure internet aggrave la fracture numérique

L’une des conséquences les plus graves de la censure internet au Tchad, c’est qu’elle aggrave la fracture numérique en mettant à l’écart de la société numérique toutes les personnes qui n’ont plus les moyens de se connecter à internet, et renforce le postulat selon lequel :

« Au Tchad, s’intéresser et s’impliquer dans le numérique est une perte de temps et d’argent ».

Désormais, sensibiliser les jeunes tchadiens et leur parler de culture numérique deviendra plus difficile qu’il n’y parait car leurs a priori négatifs seront renforcés. Une situation incompréhensible quand on se rappelle que le président de la république a fièrement reçu en février le président du groupe Maroc Telecom qui a dit vouloir aider le Tchad à développer son secteur numérique. Le même groupe qui a finalement acheté quelques semaines après Tigo Tchad, le premier opérateur du pays. Comme quoi, dans la forme, rien ne va changer.

En attendant, que faire pour lever la censure des réseaux sociaux ?

Plusieurs initiatives louables ont été initiés pour que la censure internet soit levée au Tchad. Campagnes digitales, lettres ouvertes, communiqués, etc.

A mon humble avis, les autorités tchadiennes se comportent comme un père qui ne voudrait pas donner raison à son enfant par peur de paraître faible.

Continuer sur cette lancée et laisser pendant ce temps les uns et les autres faire des amalgames entre le combat pour la levée de la censure internet à d’autres combats politiques est une perte de temps.

Les acteurs tchadiens du numérique ont intérêt à trouver le plus vite possible un moyen pour dialoguer avec nos autorités et leur expliquer que cette censure internet n’est dans l’intérêt de personne. Sinon, j’ai peur que le Tchad devienne comme la Chine en matière de censure internet.

Annadjib.


Ma visite au Salon africain de l’agriculture

Du 12 au 15 Mars 2019, s’est tenu à N’Djaména la 1ère édition du Salon africain de l’agriculture. Le Salon avait globalement pour objectif de parler et de promouvoir l’agriculture africaine et ses produits, à travers panels, stands, expositions, réseautage, etc.

Des tentes et des stands

Le palais du 15 janvier, lieu abritant le Salon africain de l’agriculture, fut légèrement transformé pour l’occasion. Deux longues et grandes tentes, installées dans la cour principale du palais, abritaient principalement les stands des pays invités (Niger, Burkina, Mali…), ceux de différents partenaires et de quelques producteurs et entrepreneurs locaux. Sur les stands, on pouvait trouver différents produits agricoles, qu’ils soient transformés ou pas, comme par exemple des semences améliorées, de la spiruline, de la confiture de tomate, du ketchup, du savon de karité, des légumes bio et même des aquariums.

Un stand de légumes au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

L’ambiance dans les tentes était pour moi un peu fade. On aurait dit un supermarché. Contrairement à l’extérieur qui était beaucoup plus vivant.

L’extérieur, un retour aux sources

L’extérieur du palais était pour moi beaucoup plus animé et intéressant que les tentes et leurs stands d’intérieur. Il y avait tout un espace dédié à l’exposition des tracteurs, accessoires, pompes solaires et différents appareils sensés améliorer le rendement agricole.

Pompes solaires exposées au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

À l’arrière du palais, il y avait un autre espace beaucoup plus intéressant avec des stands pour chaque région du Tchad. C’était un peu comme le Festival Dary, mais sans la musique et les danses qui vont avec.

Produits agricoles, artisanaux, médicaments traditionnels et autres étaient fièrement exposés et mis en vente. On a passé plus d’une heure à visiter ces stands, à discuter et à poser des questions aux exposants, car il faut l’avouer, les jeunes de la ville, sont comme on le dit en milieu rural : « perdus ». Les exposants nous répétaient sans cesse : « Si vous ne comprenez pas quelque chose, n’hésitez pas à poser des questions. »

Un seau de viande séchée (Charmoutt). Photo : Annadjib Ramadane.

Il y avait beaucoup de produits locaux dont on ne connaissait que le nom et d’autres qu’on consommait depuis toujours sans savoir d’où ils provenaient. Comme par exemple le moringa et le curcuma.

Du Cucurma produit au Tchad. Photo : Annadjib Ramadane.

 

Saviez-vous que le Tchad est le 2ème exportateur de gomme arabique en Afrique ? Photo : Annadjib Ramadane.

Comme on posait beaucoup de questions, des dégustations nous furent offertes.

Sardines séchées du Lac Fitri, au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

 

Sel rouge, provenant des lacs d’Ounianga. Photo : Annadjib Ramadane.

 

Ballon de foot en cuir, exposé au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

Les produits incitant à consommer local ne manquaient pas. Miel, confitures, bouillies, spiruline et moringa en poudre…

Pot de confiture de Datte, au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

 

Du miel d’Accacia exposé au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

Les enclos

Juste après les stands des différentes régions, il y avait une petite zone réservée aux cultures (ail, oignon, tomates…) avec une démonstration de culture sous serre et une zone moyenne avec des enclos. On pouvait apercevoir entre autres des lapins, des poules pondeuses, des chameaux, des zébus, des bœufs métis et des chevaux.

Un bœuf Kouri. On le reconnait à ses énormes cornes. Photo : Annadjib Ramadane.

On a terminé la visite en dégustant du GodoGodo made in Niger. Un mélange de pâte de mil légèrement cuite, accompagnée de lait caillé ou de yaourt. Le packaging du produit a séduit et attiré beaucoup de monde. Vu qu’on consomme beaucoup ce produit au Tchad, j’espère que nos entrepreneurs vont s’inspirer de l’astuce nigérienne pour rendre ce produit plus attrayant.

Ce mélange est appelé Fura da Nono au Niger, Lakh au Senegal et Godogodo au Tchad. Photo : Annadjib Ramadane.

Lors de mon passage au Salon Africain de l’Agriculture, je suis tombé sur un autre mondoblogueur, Ben Ali. On s’est bien amusé et on a dégusté pas mal de produits gentiment offerts par les exposants.

Ben Ali au Salon Africain de l’Agriculture. Photo : Annadjib Ramadane.

Annadjib.


Au Tchad, les réseaux sociaux sont devenus le reflet d’un malaise dans la société

Ces derniers temps, au Tchad, il circule sur les réseaux sociaux plein de contenus plus violents les uns que les autres. Vidéos, photos et textes reflétant une société où la violence est devenue une compagne de tous les jours.

Il y a 3 ans, une vidéo de viol avait été postée sur les réseaux sociaux. La vidéo en question avait tellement choqué et indigné les internautes tchadiens que le président de la république, qui à l’époque n’avait que faire des réseaux sociaux, fut obligé d’y débarquer pour rassurer les internautes et essayer de calmer le flot de haine qui se propageait. Malheureusement cette vidéo ne fut pas la dernière à choquer.

L’habitude : poster des contenus violents sur les réseaux sociaux

Entretemps, sur les réseaux sociaux, on a pu voir une vidéo montrant des élèves et étudiants battus et humiliés par des policiers suite à une manifestation ; une vidéo montrant un présumé voleur attaché à un mur, les mains derrière le dos, se faire torturer dans la maison d’un particulier ; et plus récemment, une vidéo montrant un pauvre domestique accusé de vol, enfermé dans une cour et passé à tabac par près d’une dizaine de personnes ; une vidéo montrant une femme agenouillée au milieu d’une cour et fouettée à tour de rôles par des hommes ; et une vidéo encore plus violente montrant une femme se tortillant au sol sous l’effet des coups de fouets de personnes en tenues militaires. Sans parler de cette pléthore de textes, photos et images des internautes tchadiens appelant à la haine du prochain.

illustration femme
Illustration Femme Battue. Image libre d’utilisation.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les réseaux sociaux sont devenus au Tchad le moyen le plus efficace pour dénoncer, pour ne pas dire le seul. On entend quotidiennement parler de victimes de bavures des forces de l’ordre, de domestiques abusés, de femmes battues et violées. Que ce soit en ville, avec nos airs de civilisés, ou dans les villages reculés, les victimes ne portent pas plainte la plupart du temps et préfèrent se murer dans un long silence. Alors, quand l’un des bourreaux, dans un moment de sadisme extrême, décide d’immortaliser son méfait via une vidéo ou une photo et l’envoie à ses amis via une application de messagerie comme WhatsApp pour s’en vanter, il est sûr et certain que ce contenu apparaîtra tôt ou tard sur les réseaux sociaux. Et il n’est pas étonnant qu’après les habituelles indignations des uns et des autres, on voit apparaître et se propager des messages pointant du doigt certaines personnes et communautés, des fausses informations et autres interprétations plus ou moins erronées. Autant de reflets d’un malaise et d’un sentiment de violence et d’injustice partagé dans la société tchadienne.

À qui la faute ?

Attribuer les responsabilités de ce qui se passe sur les réseaux sociaux au Tchad est très difficile. On pourrait se contenter de pointer du doigt l’internaute tchadien, ne s’illustrant pas par son usage responsable des réseaux, qui, même en l’absence d’informations fiables, devient propagateur et consommateur de contenus violents et laisse ses émotions prendre le dessus sur sa raison.

Ou bien on pourrait pointer du doigt les autorités tchadiennes, ne s’illustrant pas par l’importance qu’elles accordent aux réseaux sociaux, dernières à être au courant et à agir quand quelque chose s’y passe. Car il faut avouer que ces vidéos, images et textes sont le reflet d’un Tchad où les pauvres ne croient plus en la justice, un Tchad où il faut d’abord attirer l’attention des médias étrangers sur une injustice quelconque avant que nos autorités agissent.

La censure d’Internet, une solution ?

Pour rappel, le Tchad est sous le coup d’une censure d’Internet depuis près de 11 mois. Censure expliquée officieusement par certains comme la seule solution pour calmer le « n’importe quoi » des internautes tchadiens : appels à la haine, fausses informations, rumeurs, critiques envers le gouvernement, etc.

Mais en réalité, la censure d’Internet est plus ou moins efficace. Selon un récent rapport sur l’état du digital au Tchad, la fréquentation de certains réseaux sociaux au Tchad a baissé jusqu’à 54%. Cependant, on arrive toujours à se connecter via des applis VPN ; et les fake news, appels à la haine… n’ont jamais été aussi nombreux sur les réseaux sociaux. On pourrait même dire que finalement, cette censure n’a servi à rien.

La solution, encadrer les réseaux sociaux ?

Par encadrement, je parle de lois ou d’ordonnances contrôlant ce qui se passe sur les réseaux sociaux. L’Égypte a par exemple depuis fin 2018 une loi permettant de surveiller certains comptes et usagers des réseaux sociaux. Au Cameroun, pays voisin, on parle également depuis fin 2018 d’un projet de code de bonne conduite sur les médias sociaux. À ce que je sache, au Tchad, on n’a pas pour l’instant une loi qui encadre clairement l’activité sur les réseaux sociaux. On a bien une loi sur la Cybercriminalité qui date de 2014, mais elle ne parle pas vraiment de réseaux sociaux.

Personnellement, je pense qu’un code de bonne conduite sur les réseaux sociaux comme au Cameroun aurait l’avantage de responsabiliser les internautes. Chacun saura ce qu’il risque s’il appelle à la haine de son prochain ou s’il partage de fausses informations. Cependant, dans un pays comme le Tchad où faire des amalgames est chose courante, ce genre d’encadrement pourrait très vite être détourné et utilisé pour museler les utilisateurs des réseaux sociaux.

En attendant que le ciel s’éclaircisse, j’ai lu ceci il y a quelques jours sur un média en ligne tchadien :

Le ministère de la Sécurité a procédé à l’arrestation de plusieurs personnes « fauteurs de troubles », identifiées comme les auteurs de publications subversives sur les réseaux sociaux.

Cela, pour lutter contre la haine sur les réseaux sociaux. Comme quoi, on a encore du pain sur la planche.

Annadjib.


L’état du digital au Tchad en 2019

Chaque année, We Are Social et Hootsuite publient un rapport sur l’état du digital dans le monde. Pour rappel, le Tchad est inclus dans l’étude depuis 2017.

L’année passée, j’avais fait un commentaire du rapport de 2018 sur un billet intitulé : L’état du digital au Tchad en 2018.
Sans plus tarder, passons à l’état du digital au Tchad en 2019.

Une faible hausse des internautes

Selon le rapport de 2018, le nombre d’internautes tchadiens avoisinait 756 000 pour une population de près de 15,13 millions d’habitants. En 2019, sur près de 15,58 millions d’habitants, on a 779 000 utilisateurs d’internet. Soit un taux d’utilisation de 5%.

On remarque que le taux d’utilisation d’internet est toujours de 5%. Quant au nombre d’utilisateurs, la hausse n’est que de 3%. De faibles chiffres comparés à la hausse de 90% qu’on a eu de janvier 2017 à janvier 2018.

Une baisse notable de la fréquentation des réseaux sociaux.

De janvier 2018 à janvier 2019, la fréquentation des réseaux sociaux au Tchad a fortement diminuée : moins 150 000 utilisateurs, soit une baisse de 54%.

Pour rappel, dans le précédent rapport, on avait près de 280 000 utilisateurs actifs par mois sur Facebook.

Cette baisse de fréquentation des réseaux sociaux s’explique certainement par la censure d’internet qui a lieu depuis 11 mois au Tchad. Et malgré la baisse récente du prix de la connexion internet, les choses ont l’air de s’empirer.

Audiences des réseaux sociaux les plus utilisés au Tchad

Dans l’état du digital de 2018, on parlait du nombre d’utilisateurs mensuels des réseaux sociaux les plus utilisés au Tchad : Facebook et Instagram. Dans l’étude de cette année, on parle plutôt du nombre d’internautes qui peuvent êtres atteints par les annonces : l’audience. Quoi qu’il en soit, cette année, Twitter et LinkedIn font leur entrée.

130 000 personnes peuvent êtres atteintes sur Facebook.

35 000 personnes peuvent êtres atteintes sur LinkedIn. Il y a donc beaucoup plus d’internautes tchadiens sur LinkedIn que sur Instagram.

19 000 personnes peuvent êtres atteintes sur Instagram.

3200 personnes peuvent être atteintes sur Twitter. Ce qui donne une idée approximative du nombre d’utilisateurs de Twitter au Tchad.

Top des recherches Google et YouTube au Tchad

Dans le rapport de 2018, on avait que le top des recherches sur Google. Cette année, on a aussi YouTube.

PMU et Foot. Les recherches habituelles des internautes tchadiens sur Google.

Sur Youtube, l’internaute tchadien est plutôt musique et moins contenu éducatif.

Au vu des chiffres du digital au Tchad en 2019, on peut être optimiste, pessimiste ou même relativiser. Quoi qu’il en soit, il y a encore beaucoup de chemin à faire.

Pour aller plus loin : le rapport complet.

Crédit images : Hootsuite and We are social.

Annadjib.