Annadjib Ramadane

Au Tchad, la censure internet modifie les habitudes des internautes

Depuis plus de 5 mois, le Tchad est sous le coup d’une censure internet : plus aucun site ne passe, sauf si on utilise des VPN, applications qui servent à contourner la censure.

Comparé aux différentes périodes de censures internet au Tchad qui se sont étendues de 3 à 10 mois, on est pile dans la moyenne.

Bien que les VPN permettent de se connecter malgré tout, ils ont pour inconvénient de consommer 2 fois plus de données mobile. C’est à dire que si vous souscrivez à un forfait internet de 10 MB, il sera terminé quand vous aurez consommé moins de 6 MB, le VPN utilisant une bonne partie du forfait pour contourner la censure et se connecter à un serveur situé quelque part en occident.

S’acheter un sandwich, ou s’acheter un forfait internet ? La question existentielle de beaucoup de tchadiens…

Dans un pays où la connexion internet est supposée être la plus chère d’Afrique, cet inconvénient n’est pas anodin.

Alors les internautes tchadiens, pour la plupart jeunes et n’ayant pas de revenu fixe, ont complètement changé leurs habitudes sur Internet.

Des heures fixes pour se connecter

Beaucoup d’internautes tchadiens ont pris l’habitude de ne se connecter à internet qu’à heures fixes. Cela est dû principalement aux forfaits internet de l’opérateur Tigo Tchad.

Par exemple, avec les forfaits CHABAB, pour 200 francs CFA par mois, on reçoit chaque jours 20 MB de connexion internet utilisables de minuit à 6 heures du matin. Avec 600 francs CFA, on reçoit 20 MB par jours, utilisables de 21 heures à 6 heures du matin.

Avec le forfait internet illimité, pour 300 francs CFA, on a 1 heure de connexion illimitée. Ce forfait est pratique, mais le problème c’est que la plupart du temps le réseau est si mauvais qu’on n’arrive qu’à consulter quelques sites.

Ce n’est pas vraiment pratique de se connecter qu’à des heures fixes, mais on n’a pas vraiment le choix.

Utilisation abusive des sim 4G

Depuis quelques semaines, l’opérateur mobile, Airtel Tchad, a enfin la 4G. Et depuis, on ne parle plus que de leur promo sur la Sim 4G.

Quand on change notre vieille sim 3G par une sim 4G, ou quand on achète tout simplement une sim 4G à 500 francs, on reçoit 1 Giga utilisable pendant une semaine. Dans un pays où 1 Giga coûte 12 000 francs CFA, soit 20 euros, cette promotion fait des heureux.

Le forfait 100 GB coûte plus cher qu’une moto.

Les jeunes se ruent sur les nouvelles sim 4G et en achètent plusieurs pour les utiliser plus tard. Évidemment, le prix de ses fameuses sims a doublé en quelques jours et elles commencent à devenir introuvables.

Plus d’internet pour certains

Beaucoup d’internautes, n’ayant pas assez de motivation pour se connecter qu’à des heures fixes, où de courir après des sims comme des accrocs, ont simplement décidés de ne plus se connecter à internet. Car de toute façon ça ne sert à rien, et il y a mieux à faire.

Et plus la censure dure, plus on est dégoûté d’internet. Apparemment le gouvernement tchadien a trouvé un moyen efficace pour nous éloigner de l’internet.

Annadjib


Au Tchad, le concours Voix des Jeunes fait ses débuts

Dans la salle de conférence de l’hôtel Le rocher de Dandi – une petite ville située à 101 kilomètres de N’Djaména, la capitale tchadienne – un homme, la vingtaine, se tient debout devant un public composé de près d’une trentaine d’individus. Cet homme, c’est Cheikh T. D, chef de projet au Tchad, de Social Change Factory, un centre de leadership citoyen fondé en 2014 au Sénégal. Centre ayant initié le concours Voix des Jeunes – Tchad.

Une vue de la cour de l’hotel de Dandi. Crédit photo : Annadjib Ramadane.

Avec le programme Voix des jeunes, #SoyonsSolutions

#SoyonsSolutions, tel est le mot clé qui résume la philosophie de Voix des jeunes, un concours télévisé de solutions ouvert aux étudiants. Après le Sénégal, la Guinée Conakry et la Côte d’ivoire, le concours acceuille cette année le Tchad et le Burkina.

Le concours « ambitionne de favoriser l’éclosion d’une génération de jeunes qui partagent de fortes valeurs citoyennes, économiques, environnementales et sociales. ».

Ceci à travers une compétition télévisée où les différentes équipes sont regroupées en poules. À Chaque poule est associé un thème, et dans chaque thème, une problématique particulière est attribuée aux différentes équipes de la poule. Les équipes devront alors analyser la problématique, y trouver une solution et une stratégie pour la mettre en oeuvre.

Pour cette première édition, les étudiants tchadiens ont 4 thèmes pour se départager : Environnement, Emploi, Protection des enfants et Éducation.

Les membres de l’équipe d’Abeché lors des quarts de finale. Crédit photo : VOIX DES JEUNES – TCHAD.

« 1 Concours, 10 Universités, 1 Aventure, 1 Vainqueur. »

Au lancement du concours Voix des jeunes – Tchad, il y avait dix équipes en compétition. Une a été éliminée lors du premier Boot Camp organisé dans la ville de Dougia – situé à moins de 100 kilomètres de N’Djaména – la seconde, lors des quarts de finale de la compétition, dont le tournage en public a eu lieu au centre Al Mouna à N’Djaména.

Ce sont les 8 équipes restantes qui ont pris part au second Boot Camp de Dandi.

Les Boot Camps, ou formations intensives

À chaque étape du programme, les participants toujours en compétition sont conviés à prendre part à un Boot Camp organisé dans une ville du pays.

Formations, conseils, retours sur l’évolution de la compétion et diverses activités marquent les Boot Camps. Ceci pour « apporter une valeur ajoutée à la formation classique des etudiants. ».

Lors du Boot Camp de Dandi, il y a eu des seances de coaching animées par des experts de l’Unicef et autres facilitateurs, des formations sur « La gestion de projets », « Réussir sa présentation Power Point » etc. Dès le debut du Boot Camp de Dandi, l’accent a été mis sur la « Prise de parole en public » car, malgré une première formation sur le sujet lors du Boot Camp de Dougia, beaucoup d’étudiants ont eu de serieux problèmes lors des premiers matchs de la compétitions. Trac, mauvaise gestuelle et panique ont faillit gâcher leurs présentations.

Une équipe en séance de coaching. Crédit photo : Fadoul M.

Le Boot Camp de Dandi s’est achevé par le service communautaire

Il est coutume de terminer les Boot Camps par un service communautaire.

Lors du service communautaire, diverses actions sont menées pour répondre à des problèmes communautaire en impliquant les membres de la communauté ( chefs de carrés, associations de jeunes…).

Pour le lieu d’exécution du service communautaire, l’école de Dandi a été choisie.

Une salle de classe de l’école de Dandi. Crédit photo : Annadjib Ramadane.

Des équipes se sont formées et ont eu pour différentes tâches de planter près de 200 arbres, refectionner les tables et bancs de l’école, remettre à neuf les tableaux et tout nettoyer.

On fait descendre les arbres de la voiture. Crédit photo : Korom Mahamat.
Ici on met de l’ardoisine sur un tableau. Crédit photo : Korom Mahamat.
Un jeune entrain de remettre sur pied une table. Crédit photo : Korom Mahamat.

À la fin du Boot Camp qui a duré 3 jours, les équipes ont regagné leurs différentes universités, parfois lointaines comme celle d’Abeché à plus de 900 kilomètres de la capitale, pour préparer les démis finales du concours.

En attendant, à N’Djaména, dans les bureaux de Social Change Factory, le staff s’active pour préparer le prochain match et régler les derniers détails pour la diffusion à la Télé Tchad des matchs du concours.

Annadjib


À N’Djaména, il n’y a pas de monnaie

« Il n’y a pas de monnaie ». Depuis quelques mois, cette phrase est devenue récurrente à N’Djaména.

Pas de pièces, pas de petites coupures. Trouver de la monnaie est devenu un véritable problème à N’Djaména. Les commerces disent ne pas en avoir et ne servent que ceux qui en ont, ou bien ils vous servent et gardent avec eux votre billet jusqu’à ce que vous achetiez plus, pour en sorte que vous l’ayez complètement dépensé.

Quant aux transporteurs publics, ils sont plus ou moins capricieux. Parfois il y a une ralonge de 50 FCFA sur le prix du transport de la personne qui ose sortir un billet sans avoir prévenu… avec insultes si affinités. Et en fin de journée c’est : soit vous avez de la monnaie et vous prenez le transport, soit vous dégagez. Et pas la peine de discuter ni même de supplier.

Alors, où est passée la monnaie ?

Depuis un moment, cette question alimente les discussions dans les quartiers, bureaux et transports publics.

Les économistes et autres personnes ayant quelques notions en économie, feront certainement un parallèle entre la crise économique qui secoue le pays et la diminution du flux d’argent en circulation. Le N’Djaménois lambda, non instruit et rempli de préjugés, quant à lui, a réussi à trouver des réponses à cette question, réponses plus ou moins tirées par les cheveux, mais des réponses quand même.

La faute aux jeux de hasards

Ces derniers temps, j’ai souvent pris les transports en commun. À chaque fois que quelqu’un dans le bus ou le taxi se plaint du problème de manque de monnaie, il y a toujours quelqu’un qui donne cette explication : « c’est la faute aux jeux de hasards ».
Selon les usagers, les jeunes (qui en sont devenus accros) ramènent là bas toutes les pièces qu’ils trouvent. Et plus encore, les chinois qui sont présumés êtres les cerveaux de l’affaire, envoient toutes les pièces qu’ils peuvent récupérer en Chine car selon les usagers, c’est « une richesse chez eux ».
S’en suit la plupart du temps de longs réquisitoires contre les chinois. Ils sont traités de « voleurs d’ânes », « voleurs de grenouilles » et même responsables du manque de pluies. Sacrés chinois !

Mais d’autres, plus réservés, pensent que c’est parce que beaucoup de grands commerçants préfèrent garder leur argent chez eux.

Les commerçants tchadiens n’ont pas confiance dans les banques

Même si ça change petit à petit, il est vrai que beaucoup de commerçants tchadiens ne gardent pas leurs sous en banque. Parfois par manque de confiance, parfois pour raisons réligieuses, car pour beaucoup, la banque c’est illicite. Un ami me confiait que dans leur quartier, ils ont une grande commerçante qui garde tous son argent chez elle. Elle aurait même des bassins remplis de pièces équivalent à 500.000 FCFA. C’est pratique car les termites ne peuvent pas ronger les pièces, et on imagine mal un bandit dérober un bassin rempli de pièces et pesant près de 30 kilos !

Quoi qu’il en soit, pour l’instant à N’Djaména, les banques ne manquent ni de monnaie ni de petites coupures. C’est peut-être quand elles en manqueront aussi qu’il faudra vraiment s’inquiéter.

Annadjib


Au Tchad, une ordonnance encadre les blogs

Le 18 mai 2018 a marqué au Tchad la naissance par ordonnance d’une nouvelle autorité chargée de réguler le paysage de la communication : la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (HAMA), donc subsidiairement les blogs.

Contrairement à l’ancienne autorité qui s’occupait uniquement des médias traditionnels, la nouvelle peut exercer sa compétence sur les médias en ligne et les blogs, selon l’article 1er de l’ordonnance fixant ses modalités d’organisation et de fonctionnement. Une innovation majeure dans un pays où le vide juridique entoure quasiment toutes les questions relatives au numérique.

Vu qu’ils sont explicitement visés par la HAMA, les blogs tchadiens sont désormais encadrés juridiquement, ce qui va tout changer.

Les blogs sont désormais soumis à diverses obligations

Vu les articles 3 et 9 de l’ordonnance, les blogs sont désormais soumis à des obligations légèrement semblables à celles des médias traditionnels :

  • Respect des valeurs culturelles nationales,
  • Respect de l’ordre public,
  • Respect de la vie des citoyens,
  • Publier des informations libres, complètes et veridiques.

Les blogs devront donc faire très attention avant d’aborder certains sujets qui pourront êtres jugés contraires aux valeurs culturelles nationales ou à l’ordre public, car ces deux notions ne sont pas clairement définies dans l’ordonnance.

Par exemple, la question de l’homosexualité est tabou au Tchad. Un blog qui parlera de la pratique sans la condamner, ou qui essaiera de la justifier pourrait être considéré comme irrespectueux des valeurs culturelles nationales. Idem pour la couverture de manifestations jugées contraires à l’ordre public.
Les blogs devront également faire attention à bien vérifier leurs informations, préciser les sources, éviter les injures, ragôts et diffamations. Les blogs devront donc aussi faire attention aux articles sarcastiques qui pourraient êtres mal interprétés.

Des sanctions plus ou moins efficaces

Le non-respect de ses diverses obligations entraînera des sanctions, traitées par l’article 10 de l’ordonnance.

Bien que la plupart des sanctions soient spécialement taillées pour les médias, la HAMA peut par analogie infliger des amendes aux blogs contrevenants. Je déduis qu’elle peut aussi demander leur censure à défaut de pouvoir les fermer.

Qu’est ce que ça va changer concrètement dans la blogosphère tchadienne ?

Concrètement, la nouvelle autorité ne va pas changer grand chose à l’élan actuel des blogs tchadiens.
La majorité des blogueurs actifs sont situés à l’étranger et je doute qu’ils soient inquiétés par cette autorité qu’ils jugeront sûrement comme le reflet d’un régime autoritaire, qui est aussi la cause de l’exil de beaucoup d’entre eux. Au pire, ils ne risquent que la censure. Les veinards…

Annadjib


La blogosphère tchadienne, entre désertion et déception

Il n’y a plus de blogosphère tchadienne. Ou peut être qu’il n’y a en a jamais eu, difficile à dire.

D’après les informations que j’ai pu recolter ici et là, la blogosphère tchadienne n’est pas aussi jeune qu’on le pense. Les premières traces de blogs tchadiens remontent aux années 2002-2004. Puis de 2006 à nos jours, la blogosphère tchadienne a connu une sorte d’expansion avec la création de près d’une centaine de blogs. Et puis, plus rien…

La blogosphère tchadienne est remplie de déserteurs et de blogs fantômes

Si on devait résumer la blogosphère tchadienne en quelques mot, ce serait : le vide.

Derrière cette masse de blogs et d’individus qui se réclament plus ou moins blogueurs sur les réseaux sociaux, alors que pour la plupart, ils n’ont même pas de blogs, il n’y a malheureusement rien. Au delà du paraître, le blog c’est avant tout le contenu. Un contenu régulièrement mis à jour et parfois diversifié. Un contenu qui manque cruellement à la blogosphère tchadienne.

En fouillant avec ardeur sur le web, on tombe sur une multitude de blogs tchadiens à l’arrêt. Des blogs qui, pourtant étaient bien partis : contenu diversifiés, régularité et surtout une certaine passion s’en dégageait. Et du jour au lendemain, plus rien. La passion disparaît et on passe naturellement à autre chose.

J’ai aidé quelques amis à créer et configurer un blog. J’en ai suivi quelques uns au cybercafé et j’ai entendu en vain qu’ils postent leur 1er billet.

Le problème avec la perception du blogging qu’on a au Tchad, c’est que beaucoup sont persuadés qu’il suffit juste de créer un blog et le contenu viendra. Alors que c’est faux. C’est pour ça que je suis contre l’idée d’organiser à tout bout de champ des formations en blogging, car on rassemble juste des curieux qui savent pas comment tuer le temps, on les « force » à créer un blog et à rédiger leur 1er article qui sera forcément le dernier. Et c’est comme ça qu’on fabrique des déserteurs et des blogs fantomes.

La blogosphère tchadienne, une déception

C’est triste à dire, mais ceux qui sont entrain de tuer à petit feu la blogosphère tchadienne, ce sont les blogueurs eux même.

D’un côté on a les activistes politiques : ce sont les plus nombreux. J’ai rien contre eux, mais grâce à leur remarquable héritage, la blogosphère tchadienne se résume à du contenu négatif. Attaques personnelles contre tel homme politique ou proche du régime, colportage de ragots sans vérifier les sources etc.
Et ce qui est étonnant avec cette pratique du blogging, c’est que ça marche. Elle crée des célébrités, elle joue énormément quand on fait une demande d’asile et elle transforme parfois des inconnus en experts du pays sur de grandes chaînes internationales. Bravo.

De l’autre côté, on a les simples blogueurs qui ont trouvés toutes les raisons du monde pour arrêter de bloguer. Bloguer au Tchad est certe difficile, mais faut quand même faire des efforts, accepter les critiques et essayer chacun de son côté de faire bouger les choses.


Dans un prochain billet, je vais essayer d’expliquer ce que ça coûte d’être un blogueur au Tchad, pourquoi les blogs tchadiens sont à l’arrêt.
À très bientôt.

Annadjib


Tchad : à N’Djaména, les cybercafés se réinventent

À N’Djaména, capitale de la République du Tchad, l’heure de connexion internet, dans la majorité des cybercafés, coûte environ 1000 FCFA (soit environ 1,50 €). Ce qui est, comparé au Cameroun voisin, cinq fois plus cher.

Ce prix est élevé, surtout pour un débit qui n’est pas très adapté aux téléchargements. Ainsi les cybercafés de la capitale sont principalement fréquentés par des personnes qui veulent ouvrir un compte mail, un blog (pour les curieux), ou déposer une candidature pour une bourse étrangère.

Certains cybercafés ont décidé d’accomplir un revirement après avoir remarqué la diminution continue de leur clientèle.

Les cybercafés, nouveaux fournisseurs de l’internet mobile

Selon une étude menée cette année par HOOTSUITE et We Are Social, le Tchad compte plus de 750 000 utilisateurs internet, dont 89% via téléphone mobile (contre 9% via ordinateurs).

Les cybercafés ont perçu le potentiel du marché et ont décidé de tout miser sur l’internet mobile. On constate qu’à N’Djaména, les cybercafés n’ayant plus aucun ordinateur se multiplient. Il n’y a qu’un seul ordinateur : celui du gérant, comme dans ce cybercafé près du lycée de la Liberté où des lycéens ne cessent de défiler téléphone à la main.

Le cybercafé fournit un accès temporaire à son WI-FI, via un code. À partir de 500 FCFA, on a 125MB, soit quatre fois moins cher que chez les opérateurs téléphoniques locaux et sans aucune censure ou restriction.

« Pour l’instant, on peut se connecter ici ou au quartier Ndjari. On prevoit des points de relais dans différents quartiers de la capitale. Dont Diguel, Mardjandaffack…».

Dixit le gérant qui est entrain d’inscrire sur un bout de papier un code pour un client.

Faire bouger les choses à long terme

Différents cybercafés de la capitale ont opté pour ce nouveau modèle économique. Ils utilisent le bouche à oreille pour se faire connaître et prévoient même des ristournes et des forfaits téléchargements pour les clients fidèles.

Vu que les cybercafés de la capitale se fournissent principalement à l’étranger, ils peuvent facilement faire baisser leurs prix.

Et qui sait, à long terme, ils pourront peut-être faire pencher la balance et obliger les opérateurs téléphoniques à revoir à la baisse le prix des forfaits internet !

J’espère que cela nous permettra de voir moins de jeunes attroupés comme des margouillats près des hôtels de la ville, en train d’essayer désespérément de capter un réseau WI-FI !

Annadjib


Ma semaine à Bol, au bord du lac Tchad

Quand on m’a proposé de participer pour une semaine à une campagne de prévention du VIH et des grossesses non désirées dans la ville de Bol, je n’ai pas hésité une seconde.

Disons que c’était une occasion de visiter une ville inconnue et de me faire un peu d’argent. Surtout que c’était la première fois de ma vie que je devais recevoir une rémunération, et peu importait la somme, il n’était donc pas question de manquer cela. Soit.

C’est dans cet état d’esprit que je me suis retrouvé un dimanche matin dans un 4×4 en direction de la ville de Bol.

Le départ pour Bol

Bol est une ville située dans la région du lac. La plus grande ville d’une région tristement célèbre au Tchad, car quand on en parle, c’est pour rappeler que le lac Tchad est toujours en danger, ou que les terroristes qui sont cachés dans la région ont encore frappé. Avant le départ, j’étais persuadé que la ville était située quelque part au sud du pays, pas très loin de la ville de Moundou. Au contraire, on a pris la route est qui passe par la ville de Massaguet, on a dépassé la ville de Massakory, puis on est descendu du bitume pour emprunter un chemin pénible, plein de sable et de détours. Apres 8 heures de trajet, on arriva enfin à la ville de Bol qui est pourtant à moins de 200 kilomètres de N’Djaména.

Massakory,Tchad
La ville de Massakory. Crédit photo : Annadjib.

Le début des activités

Le lendemain de notre arrivée, la campagne fut lancée dans l’après-midi en face de la grande mosquée de Bol, en présence des autorités locales, militaires et administratives. Suite à quelques discours, le dépistage débuta enfin. La campagne en question fut organisée par le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), le ministère de la santé publique et d’autres partenaires. Le but principal de la campagne était d’endiguer à moyen terme l’épidémie de VIH qui sévit dans la région du lac, à travers des dépistages et sensibilisations, et accessoirement de sensibiliser aussi les populations locales aux enjeux de la planification familiale.

Lycée, centres de santés, espaces publics, villes et villages environnants ont été les théâtres des opérations car dans la région, le VIH fait d’énormes dégâts.

Les dégâts du VIH dans la région du Lac

Selon les chiffres du Fonds des Nations Unies pour la Population, à propos du VIH dans la région du lac, sur près de 25000 personnes dépistés, 2% auraient le SIDA. Près de 2000 personnes sont sous anti-rétroviraux et autant de personnes seraient atteintes par la maladie sans le savoir. La maladie est beaucoup plus présente dans les villages servant de camp de passage et dans les camps de réfugiés. Lors de la campagne de dépistage, il n’était pas étonnant de trouver des séropositifs de tous âges, certains avaient la soixantaine, d’autres juste la quinzaine. Mais malgré le VIH et les terroristes, Bol est une ville pittoresque.

Bol, une ville pittoresque

Bol est une ville pleine de sable. Marcher est carrément fatiguant. Le paysage est marqué principalement par les 4×4 de diverses organisations internationales et ONG qui défilent incessamment et des chameaux chargés de lait, bois, tapis et diverses marchandises, faisant penser à une ville du désert.

Puisque Bol est au bord du lac Tchad, le poisson est une des richesses de la ville. En soirée, des odeurs de fritures entourent le marché.

Poissons Bol
Poissons fraîchement péchés par des enfants. Crédit photo : Annadjib.

L’eau consommée en ville est légèrement salée, la présence de natron dans l’eau lui donne un teint légèrement rougeâtre.

Dans l’après-midi, les populations locales vont au bord du lac pour se baigner, faire la lessive, se reposer ou  pêcher.

Pirogue Bol
À Bol, on utilise des pirogues pour aller d’îles en îles. Crédit photo : Annadjib.

Même si je n’ai pas eu beaucoup de temps pour me promener, je retiens de Bol une ville accueillante, riche culturellement et surtout ses jeunes filles qui nagent en soirée au bord du lac et dont la beauté n’a rien à envier à celle des sirènes (sauf une nageoire bien sûr).

Annadjib


La question du contenu local tchadien sur internet

Les rares fois où les acteurs, curieux et intéressés des réseaux sociaux et du numérique au Tchad se rencontrent à l’occasion d’un atelier, d’une conférence, d’une formation, ou d’un évènement quelconque, la question de l’image du pays sur internet ou « contenu local tchadien » est toujours abordée.

La plupart du temps, un intervenant explique que quand on fait une recherche avec le mot « Tchad » sur un moteur de recherche, on tombe toujours sur des images et articles qui montrent une mauvaise image de notre pays (on raconte que c’est grâce aux médias sponsorisés par les impérialistes et ex colons de l’occident). Président de la république par-ci, étudiants et manifestants battus par-là, offensive de nos soldats contre des terroristes… En bref, aucun contenu positif dans les résultats de la recherche.

La question du contenu local tchadien sur internet, bien que toujours abordée, est quasiment négligée par l’absence de propositions concrètes. Un « ça doit changer » répété chaque fois ne suffit guère à faire évoluer les choses. On ne fait qu’évoquer le problème, on se dit que la solution se trouve peut-être entre les mains des milliers d’internautes tchadiens, puis, on enchaine avec un atelier plus sérieux comme « Réussir dans l’Agro business grâce à un Business Plan viable ».

Contenu local tchadien et négativisme général

Pour faire simple, le contenu local tchadien dont on parle ici, ce sont des informations ayant un lien très étroit avec la vie quotidienne du tchadien. Des données proches de sa réalité, censées être produites par lui-même et inspirer tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au Tchad. Une sorte de base de données consultable à tout moment et ayant une forte valeur ajoutée.

Donc un maximum de contenu positif « Made in Chad » ayant pour consommateur principal l’internaute tchadien.

Contrairement à ce que l’on pense, il y a du contenu local tchadien sur internet. Bien qu’en petites quantités comparées à celles d’autres pays de la sous-région, textes, vidéos, images podcasts « Made in Chad » circulent sur la toile et animent plus de 750.000 internautes tchadiens (bientôt le million).

Mais malheureusement, pour la plupart ce n’est pas du contenu positif.

Les internautes tchadiens sont friands de contenus négatifs…

Si j’ai pu retenir quelque chose en 5 ans d’observation des internautes tchadiens, c’est qu’ils sont devenus accrocs aux mauvaises nouvelles, aux scandales et rumeurs parfois puériles. La toile tchadienne a toujours été inondée par du contenu négatif, et cela, un peu grâce aux opposants du pouvoir en place.

Ces opposants sont pour la plupart des exilés qui ont refusé de couper les liens avec le pays, ils sont omniprésents sur internet, ils dénoncent dès qu’ils en ont l’occasion. Idolâtrés par des milliers d’internautes, ils sont devenus des références ultimes. C’est ainsi que la dénonciation est devenu le fil directeur de la toile tchadienne, à tel point que quand il n’y a aucun scandale à se mettre sous la dent, internet parait fade.

… ce qui décourage ceux qui veulent parler positivement du Tchad.

Entre ceux qui voient le verre à moitié vide et ceux qui ne voient pas du tout de verre, il existe quelques optimistes et rêveurs qui essaient tant bien que mal de parler positivement du Tchad.

Ce sont quelques utilisateurs de reseaux sociaux et détenteurs de sites Web qui ont fait le choix de ne parler que positivement du pays.

Sur Instagram, il n’y a que de belles photos du pays. Sites touristiques, villages accueillants… Un autre Tchad par rapport aux images véhiculés sur un réseau social comme Facebook.

Sur Facebook, bien que par rapport aux autres réseaux sociaux c’est le repère du mal, de plus en plus d’internautes parlent positivement du Tchad. Des pages culture, astuces beauté, cuisine locale, vidéos humoristiques etc font succès, contrairement à certains sites Web et blogs tchadiens.

Le cas des sites Web tchadiens

Il y a beaucoup de sites Web tchadiens, pour la plupart, ce sont des sites d’informations tenus par des journalistes ou par des hommes politiques. Leur contenu varie entre l’écrit et des vidéos d’interviews. Quant aux sites Web culturels, à ma connaissance, il n’y a actuellement qu’un seul actif au Tchad.

Les blogs tchadiens

La majorité des blogs tchadiens sont tenus par des activistes, hommes politiques et exilés, ayant pour champ de prédilection la politique. Ces blogs sont lus, connus et plus actifs par rapport aux autres blogs tchadiens.

Les autres blogs tchadiens sont tenus par des particuliers qui utilisent leur blog comme la vitrine de leurs humeurs, leur vécu, etc.
La majorité de ces blogs sont pour la plupart inactifs. Syndrome de la page blanche, inactivité, procrastination, désintéressement et surtout le prix de la connexion internet décourage tous ces jeunes qui voudraient utiliser leur blog pour parler autrement du pays.

Et vu qu’au Tchad il n’y a pas de communauté de blogueurs comme dans d’autres pays, le contenu local tchadien sur internet ne peut compter que sur les utilisateurs des réseaux sociaux pour faire bouger les choses.

Annadjib


Le Tchad de nos cauchemars

Le Tchad cause des cauchemars à beaucoup de Tchadiens. Surtout depuis que notre rêve est en péril. Le rêve tchadien.

Vous savez, ce rêve qui consiste à sortir tôt le matin de chez soi, cartable à la main, pour passer la journée dans un ministère de la place et rentrer fier l’après midi en écoutant au loin des « DG Allah yansourak ».

Quel est ce pays où les gens font des études et où le gouvernement leur dit qu’il n’y a pas de travail ?

À cette question de ma mère, je n’ai pas vraiment eu de réponse satisfaisante. J’aurai pu dire qu’il y a tellement de fonctionnaires que l’Etat n’a plus les moyens de les payer ; qu’on a mal géré joué avec l’argent du pétrole ; ou que quelques hauts cadres, intellectuels de la république, avec la bénédiction de notre oppresseur bien aimé, ont réussi à « hypothéquer » l’avenir de millions de personnes (pour ne pas dire tout un État) auprès d’une banque qui a tout de ces cruels prêteurs sur gage qu’on voit dans les films mafieux.

Je me suis contenté de dire que c’est à cause de la crise économique

La crise, c’est la réponse (pour ne pas dire l’excuse favorite) de nos gouvernants depuis plusieurs années. La principale cause des maux du peuple tchadien. Beaucoup de pays sont dans le même marasme, mais le peuple tchadien a l’air d’être celui qui en souffre le plus. Salaires coupés, grèves interminables, écoles désertées, inflation continue du prix des produits de première nécessité… et surtout une résignation de nombreuxde tchadiens.

Puisque le gouvernement parle sans arrêt de crise, la crise est devenue l’excuse de beaucoup pour justifier leur inertie.

Je ne sors plus de la maison

C’est devenu banal, surtout à N’Djaména, de trouver des jeunes dont le mode de vie et le quotidien n’ont rien à envier à celui de vieux retraités.

Casaniers par excellence, ils ne sortent de la maison que pour aller à la boutique du coin.

Le quartier est devenu leur réserve naturelle. Ils passent la journée à regarder la télé ou des films et des séries sur leur PC, et pour ceux qui n’ont pas encore accès à l’électricité, la radio rythme leurs journées.

Ils survivent grâce à leur pension, irrégulière mais généreusement versée par les parents. Elle sert principalement à acheter du crédit téléphonique, pour faire signe de vie ou pour s’enquérir chez les amis de rumeurs. Bien que toujours douteuses, les rumeurs réussissent à donner la bonne humeur.

Et quand on croise les jeunes en ville, c’est toujours à l’occasion de cérémonies familiales (Oudours), ils sont là, avec le regard vide. Il ne faut jamais leur demander des nouvelles de quelqu’un ou ce qu’ils deviennent car ils répondront certainement : Gaïd Sakit (il ne fait rien).

Et moi, quand on me demande si je vais enfin me bouger, si je vais enfin aller « arranger » mes dossiers pour les déposer à la fonction publique, je réponds qu’on ne recrute plus là bas.

Beaucoup ne sont toujours pas au courant du gel de la fonction publique. On peut expliquer cela par le fait qu’au Tchad on a environ 90.000 fonctionnaires sur près de 15 millions d’habitants. C’est près de 0,7% de la population.

Malgré tout cela, il y a quand même des réussites

Malgré la crise et le pessimisme ambiant à N’Djaména, accentués par la chaleur et la pousssière, beaucoup de jeunes arrivent à s’en sortir.

Le privé recrute comme toujours.

Les administrations, entreprises publiques et para-publiques recrutent aussi, mais dans la plupart du temps secrètement. C’est à dire que, quand on a besoin de quelqu’un, on ébruite rien, on le fait savoir qu’à nos proches.

Fortis Fortuna Adiuvat (la fortune aussi aux audacieux)

On dit que la chance sourit aux audacieux ? Mais ça n’est pas vraiment le cas au Tchad. Entre les jeunes qui se battent pour avoir un stage et qui sont exploités durant des mois pour être finalement remerciés par une simple lettre, et ceux qui multiplient les dépôts de dossiers pour être finalement recalés par manque d’expérience… on peut dire que la chance ne sourit pas à ces audacieux là. Ceux qui sortent du lot et à qui la chance sourit, ceux-là qui sont-ils ? Les pistonnés.

La chance sourit aux pistonnés

Un jour, je parlais avec un ami et j’évoquais la réussite d’une connaissance, en donnant son exemple je parlais de « destinée », mais mon ami m’a rectifié : <<C’est pas le destin ça, c’est le fruit d’un appui>>.

Épilogue.

Vivre au Tchad c’est pas compliqué.

Il suffit de toujours voir le bon côté des choses. Se satisfaire de ce que l’on a. Rien ne sert d’être jaloux des autres.

Au lieu de se laisser dévorer par l’ambition, il vaudrait mieux se contenter de flotter comme un cadavre sur une rivière.

Annadjib


L’état du digital au Tchad en 2018

Comme tous les ans, We Are Social et Hootsuite publient un rapport sur l’état du digital dans le monde. Depuis 2017, le Tchad a été inclus dans cette prestigieuse étude. Sans plus tarder, quel est l’état du digital au Tchad en 2018 ? Selon le rapport, sur les 15,13 millions d’habitants que compte la république du Tchad, seul 5% utilisent Internet. Donc plus de 756000 utilisateurs. Cependant, bien que juste 5% de la population utilise Internet, le digital est en pleine croissance au Tchad. Une hausse remarquable des utilisateurs d’internet. De janvier 2017 à janvier 2018, le nombre d’utilisateurs d’internet au Tchad a augmenté de 90%. On est passé de moins de 400 000 à plus de 756 000. Chose remarquable dans un pays où la connexion Internet est l’une des plus chère au monde, un véritable handicap. Le mobile, outil préféré des internautes tchadiens. Selon le rapport, 89% des connexions Internet au Tchad se font via mobile, 9% via ordinateurs (les entreprises certainement) et 2% via tablettes. Quasiment 0% via les consoles de jeux, ce qui prouve que tant la connexion Internet restera chère au Tchad, l’e-sport n’existera pas au pays. Les reseaux sociaux les plus utilisés au Tchad. Cette année, Instagram fait son entrée dans le classement des reseaux sociaux les plus utilisés au Tchad avec pres de 23 000 utilisateurs par mois, dont 77% d’hommes. Sans surprise, Facebook reste le réseau social préféré des tchadiens avec 280 000 utilisateurs par mois. Snapchat et Twitter sont absents car ils atteignent à peine le millier d’utilisateurs actifs par mois dans le pays/

Les top recherches des tchadiens sur google en 2017. En première position vient le mot « Tchad« , en deuxième « PMU » et le reste c’est la passion favorite des jeunes : le foot. Malheureusement aucun site Web local dans le top des recherches.


Pour aller plus loin : le rapport complet.

Crédit images : Hootsuite and We are social.

Annadjib