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Tchad : l'Or du Démon

C’est l’histoire d’Issakh , jeune commerçant – la vingtaine – tenant une modeste boutique à N’Djamena, plus précisément dans le quartier de Klemat. Il avait plutôt un train de vie monotone : se lever à 5 heures du matin, attendre la livraison du pain, passer la journée à la boutique, passer au « Souk » pour refaire le plein, et ainsi de suite.
Un beau jour de décembre, un de ses cousins arrive et lui raconte une histoire, selon laquelle de l’or à été découvert au centre du pays, dans la région du batha, et qu’il y avait tellement de pépites qu’il suffirait de se courber pour en ramasser pleinement. Issakh ne fut pas vraiment motivé au tout début par cette ruée vers l’or qu’il jugeait un peu douteuse. Son cousin, aussi commerçant, pris la route du Batha quelques jours après lui en avoir parlé.
Les jours passèrent et les histoires à propos de l’or du Batha s’amplifièrent tellement qu’il ne pouvait passer au « Souk » sans entendre parler du fameux « Or du batha… ». Cette histoire alimentait les discussions des plus jeunes du quartier. On racontait même que les jeunes de ladite région avaient arrêté l’école pour devenir orpailleurs et s’enrichir.
Issakh commençait à devenir insomniaque : l’or du batha le hantait jour et nuit.
Un jour, pendant qu’il était dans sa boutique, deux jeunes arrivèrent pour acheter du crédit et l’un dit à l’autre : « regarde moi cette pépites postée sur Facebook! » Issakh demanda à voir ça et, dès qu’il vit l’image, un violent vertige le prit.

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Cette image fit resurgir son côté le plus obscur.
« C’est décidé » se dit-il, « je vais vendre ma boutique et y aller, qui ne risque rien à rien »
Ainsi, il liquida sa boutique à un prix vraiment dérisoire : moins d’un million de francs Cfa, juste de quoi s’acheter un détecteur d’or et couvrir ses frais de transports vers le centre du pays.
C’est ainsi qu’il arriva, plein d’espoirs et de rêves, dans les villages du Batha ou l’or à été découvert.

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Il était déjà devancé par des centaines d’aventuriers venant de tout les cotés du pays : des vieux, des jeunes et même des femmes.

Comme rien n’est gratuit, il dût négocier un petit coin à un dignitaire local pour pouvoir faire ses investigations. La première journée de travail fût médiocre. Même pas un milligramme d’or.
La nuit tombée, il alla se coucher après avoir accompli la prière, en espérant que le lendemain serait beau à voir.
Très tôt le matin, beaucoup d’orpailleurs racontaient que le gouvernement venait d’interdire l’exploitation de l’or et que des militaires ne tarderaient pas à arriver. Les orpailleurs les plus lucides abandonnaient la région. Tel ne fut le cas d’Issakh, qui avait tout parié sur l’or du Batha.
À l’arrivée des militaires, une vive panique prit les orpailleurs. Les militaires, qui avaient des ordres, ne se firent pas prier. Avec leur brutalité inouïe, ils confisquèrent les outils des orpailleurs restants et tabassèrent même les plus récalcitrants, tel Issakh, qui se prit une savate phénoménale tiré tout droit d’un film de kung fu ou d’une formation en Krav Maga israélien. Il fut dépouillé et laissé sans un Cfa en poche.
Il se releva avec peine, avant qu’une pensée l’envahisse : comment allait-il rentrer chez lui et expliquer ce qui lui était arrivé ? En tout cas, il savait qu’il n’échapperait pas aux railleries et insultes de la famille qui l’avait soutenu lorsqu’il avait voulu ouvrir la boutique qu’il avait dilapidée quelques jours plus tôt.
Il regarda le ciel, une larme coula sur sa joue et il cria : « OR DU DEMON ».
Parce qu’être Tchadien est une tache complexe.

Annadjib

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Auteur·e

fatakaya

Commentaires

Ousmane Mamoudou
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Au Niger nous avons l'or du Djado!! Bonne interprétation :)

Annadjib Ramadane
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Merci

Faire Tamisé Tchouadi
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C'est vraiment comme si l'or était un sorcier qui envoutait

Annadjib
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effectivement

@rmadji
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10/10