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Le Tchad de nos cauchemars

Le Tchad cause des cauchemars à beaucoup de Tchadiens. Surtout depuis que notre rêve est en péril. Le rêve tchadien.

Vous savez, ce rêve qui consiste à sortir tôt le matin de chez soi, cartable à la main, pour passer la journée dans un ministère de la place et rentrer fier l’après midi en écoutant au loin des « DG Allah yansourak ».

Quel est ce pays où les gens font des études et où le gouvernement leur dit qu’il n’y a pas de travail ?

À cette question de ma mère, je n’ai pas vraiment eu de réponse satisfaisante. J’aurai pu dire qu’il y a tellement de fonctionnaires que l’Etat n’a plus les moyens de les payer ; qu’on a mal géré joué avec l’argent du pétrole ; ou que quelques hauts cadres, intellectuels de la république, avec la bénédiction de notre oppresseur bien aimé, ont réussi à « hypothéquer » l’avenir de millions de personnes (pour ne pas dire tout un État) auprès d’une banque qui a tout de ces cruels prêteurs sur gage qu’on voit dans les films mafieux.

Je me suis contenté de dire que c’est à cause de la crise économique

La crise, c’est la réponse (pour ne pas dire l’excuse favorite) de nos gouvernants depuis plusieurs années. La principale cause des maux du peuple tchadien. Beaucoup de pays sont dans le même marasme, mais le peuple tchadien a l’air d’être celui qui en souffre le plus. Salaires coupés, grèves interminables, écoles désertées, inflation continue du prix des produits de première nécessité… et surtout une résignation de nombreuxde tchadiens.

Puisque le gouvernement parle sans arrêt de crise, la crise est devenue l’excuse de beaucoup pour justifier leur inertie.

Je ne sors plus de la maison

C’est devenu banal, surtout à N’Djaména, de trouver des jeunes dont le mode de vie et le quotidien n’ont rien à envier à celui de vieux retraités.

Casaniers par excellence, ils ne sortent de la maison que pour aller à la boutique du coin.

Le quartier est devenu leur réserve naturelle. Ils passent la journée à regarder la télé ou des films et des séries sur leur PC, et pour ceux qui n’ont pas encore accès à l’électricité, la radio rythme leurs journées.

Ils survivent grâce à leur pension, irrégulière mais généreusement versée par les parents. Elle sert principalement à acheter du crédit téléphonique, pour faire signe de vie ou pour s’enquérir chez les amis de rumeurs. Bien que toujours douteuses, les rumeurs réussissent à donner la bonne humeur.

Et quand on croise les jeunes en ville, c’est toujours à l’occasion de cérémonies familiales (Oudours), ils sont là, avec le regard vide. Il ne faut jamais leur demander des nouvelles de quelqu’un ou ce qu’ils deviennent car ils répondront certainement : Gaïd Sakit (il ne fait rien).

Et moi, quand on me demande si je vais enfin me bouger, si je vais enfin aller « arranger » mes dossiers pour les déposer à la fonction publique, je réponds qu’on ne recrute plus là bas.

Beaucoup ne sont toujours pas au courant du gel de la fonction publique. On peut expliquer cela par le fait qu’au Tchad on a environ 90.000 fonctionnaires sur près de 15 millions d’habitants. C’est près de 0,7% de la population.

Malgré tout cela, il y a quand même des réussites

Malgré la crise et le pessimisme ambiant à N’Djaména, accentués par la chaleur et la pousssière, beaucoup de jeunes arrivent à s’en sortir.

Le privé recrute comme toujours.

Les administrations, entreprises publiques et para-publiques recrutent aussi, mais dans la plupart du temps secrètement. C’est à dire que, quand on a besoin de quelqu’un, on ébruite rien, on le fait savoir qu’à nos proches.

Fortis Fortuna Adiuvat (la fortune aussi aux audacieux)

On dit que la chance sourit aux audacieux ? Mais ça n’est pas vraiment le cas au Tchad. Entre les jeunes qui se battent pour avoir un stage et qui sont exploités durant des mois pour être finalement remerciés par une simple lettre, et ceux qui multiplient les dépôts de dossiers pour être finalement recalés par manque d’expérience… on peut dire que la chance ne sourit pas à ces audacieux là. Ceux qui sortent du lot et à qui la chance sourit, ceux-là qui sont-ils ? Les pistonnés.

La chance sourit aux pistonnés

Un jour, je parlais avec un ami et j’évoquais la réussite d’une connaissance, en donnant son exemple je parlais de « destinée », mais mon ami m’a rectifié : <<C’est pas le destin ça, c’est le fruit d’un appui>>.

Épilogue.

Vivre au Tchad c’est pas compliqué.

Il suffit de toujours voir le bon côté des choses. Se satisfaire de ce que l’on a. Rien ne sert d’être jaloux des autres.

Au lieu de se laisser dévorer par l’ambition, il vaudrait mieux se contenter de flotter comme un cadavre sur une rivière.

Annadjib

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Auteur·e

fatakaya

Commentaires

Mahamat Dawala Damio
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Celui qui ne comprend pas ton silence n'arrive jamais à comprendre tes douleur. Le problème ce l'âne qui gouvernement !