Annadjib Ramadane

Tchad : ceux qui ne parlent pas leur patois

Le Tchad dans ses 1 284 000 km carré et 23 régions est une véritable ruche d’ethnies : plus d’une centaine et autant de dialectes parlés.

Suites à divers mélanges ethniques, voyages et scolarisation, on a un nombre sans cesse croissant de jeunes qui ne parlent, ni ne comprennent leur patois.

Bien qu’habitant en ville et scolarisées depuis des années, certaines ethnies ont fait de leur patois une richesse et parviennent à le préserver. Ce qui n’est pas le cas chez certaines qui en dehors du village n’arrivent pas à le préserver et le perdent au fil des années.

Cet « handicap » est parfois cause de rejet. 

Le fait de parler ou non son patois importe peu en ville.

Le problème se pose quand on va souvent pour la 1ère fois dans la terre de ses aïeux. Bien qu’on s’attend à tomber sur une population rustique, triste est de constater qu’ils existe une frontière linguistique entre eux qui ne comprennent rien du langage parlé en ville et nous les déracinés et « perdus » comme ils aiment bien parfois nous le rappeler.

Cet handicap nous éloigne d’eux dans la mesure où on est mis à l’écart des activités et discussions du grand nombre. On les comprends, ils ne peuvent pas s’encombrer d’un sourd muet et encore se fatiguer à communiquer en parlant le langage des signes.

Pendant que certains (non muet) parlent de leur 1ère visite au village comme l’un des plus beaux jours de leur vie, d’autres ne voudraient plus vivre cette expérience même en rêve.

Sommes nous coupable ?  

À force d’écouter des : « vous êtes perdus, déracinés »  on se demande si c’est de notre faute si on ne parle pas la langue de nos grands-parents, surtout quand ils aiment trop nous rappeler que c’est un facteur d’unité et une richesse culturelle.

En parlant de facteur d’unité, le Tchad a autant de dialectes que d’ethnies, plus d’une centaine. Donc je vois pas en quoi ce serait un facteur d’unité dans la mesure où on ne se comprend pas tous.

Bien que la langue soit une richesse, on ne peut que blâmer les parents qui ont mis l’accent sur la langue de l’école, et non les enfants qui dans cette histoire ne sont que des victimes.

La solution serait peut-être d’avoir une langue unique comme le lingala au Congo.

En attendant pour ne pas avoir de remords, je me dis que mon patois c’est le français.

Annadjib


Le poignard notre fidèle allié

Les tchadiens et le poignard c’est une très longue histoire, si lointaine qu’on ne se pose plus de questions au sujet de son port.

Durant mon 1er cycle universitaire à Abéché on avait besoin de quelqu’un pour égorger un poulet, et évidemment personne n’avait de couteau pour effectuer la tâche. C’est ainsi que j’ai eu droit à un sermont d’un ami qui disait que : ça sert à quoi un homme qui habite dans une si grande chambre sans avoir un poignard pour se protéger ? Un peu gêné j’essayais de dissimuler discrètement mes manettes de jeux vidéo pour PC et quelques mangas pour éviter des reproches supplémentaires.

Je n’avais nullement le besoin de me protéger car pour l’instant je n’avais que des ennemis virtuels (ceux de twitter). Et s’il fallait un jour me protéger je préférerais une arme de poing et non jouer au ninja avec un poignard.

Les tchadiens legitement le port du poignard pour plusieurs raisons :

C’EST D’ABORD CULTUREL

Comme tous nos us et coutumes qu’on ne peut justifier ( la haine envers les forgerons et les amateurs de mangas) on met tout sur le dos de la culture. Je me suis un peu renseigné, le nord du Tchad avec l’arrivée de l’islam a copié quelques coutumes et pratiques arabes dont le port du poignard.

Chez les arabes le poignard est porté comme un accessoire vestimentaire et a un aspect purement symbolique.

Pour les tchadiens c’est un symbole de virilité, de courage, c’est l’arme ultime de l’autodéfense et de la dissuasion, on en trouve partout.

C’EST POUR SE DÉFENDRE 

Le poignard c’est pratique pour se défendre, car c’est connu, le tchadien a le sang chaud ( un historien arabe disait que les peuples qui vivent dans des régions chaudes, sont plus touchés par les sauts d’humeurs et ont un caractère guerrier voire spontané) et a des ennemis partout. En parlant d’ennemi, la majorité des motocyclistes utilise des poignards pour lutter contre les brigands qui deviennent de plus en plus équipés (armes à feux).

Si le poignard est uniquement utilisé pour se défendre, je me demande pourquoi certains vont dans les lieux de culte avec? Sûrement pour se défendre au cas où on serait agacé par des quêtes.

TROP DE VICTIMES 

Y’a de plus en plus de victimes des poignards, pour la plupart du temps innocentes.

Y’a beaucoup de faits divers sur l’histoire, il est courant d’apprendre qu’un tel suite à un accident de circulation est descendu de sa moto et a poignardé sans attendre des explications du malheureux conducteur de bus. Plusieurs justiciables et juges se sont fait poignarder dans l’enceinte du palais de justice malgré les « fouilles » des forces de l’ordre.

Tout cela sans que les autorités ne se posent des questions sur le port du poignard.

ÇA DOIT CESSER

S’indigner ne suffit pas, il faut que l’État prenne des mesures efficaces, par exemple au cameroun voisin se promener avec un poignard est source de longs ennuis judiciaires.

Mais comme c’est culturel, sensibilisons de notre côté et l’État gendarme fera le reste.

Annadjib


Une députée pour le peuple tchadien

L’un de mes fidèles lecteurs m’a fait remarqué que depuis quelques jours une vidéo d’une des sessions de notre Assemblée nationale est apparue sur Facebook, car elle était selon ceux qui l’ont posté censuré, pourquoi ? Par qui ? Des questions pour le moment sans réponse.

J’ai visionné la fameuse vidéo, et on peut y voir une séance de l’Assemblée nationale sur la présentation du plan de lutte contre la crise qui secoue le pays. Et là une députée, y’en a pas deux comme elle dans notre assemblée nationale, qui, bien qu’elle est de la majorité, prend la parole, dit tout haut ce que les autres députés pensent tout bas.

Cette femme, oratrice remarquable c’est Aziza Baroud.

Son intervention était longue ma foi, 9 minutes, si l’on compare avec les interventions d’une minute de la majorité des députés c’est un record.

Sans plus tarder voyons les points saillants de son intervention.

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Je voudrais vous saluer et vous présenter aussi mes félicitations pour avoir été désignés pour prendre en main la gestion de notre vécu de tchadien.
Je serais tenté aussi de vous encourager parce que c’est une tâche ardue dans un contexte extrêmement difficile que vous abordez votre travail.

 

Après les sacro-saintes formules de politesses, la député en a profité pour féliciter le nouveau gouvernement, les encourager et leur rappeler leur tâche quotidienne qu’est la gestion de notre vécu de tchadien (il faut avouer que ça fait des années qu’on se demande quel est le rôle du gouvernement, vu que le peuple est en roue libre).

Vu la crise, ça devient encore plus compliqué pour le gouvernement qui déjà, ne s’y retrouvait pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur le Premier Ministre vous conviendrez avec moi que… Les uns et les autres l’ont déjà dit à plusieurs reprises, nous nous attendions à quelque chose de plus concret, nous aurions aimé écouter plutôt des actions concrètes et qui pouvaient apporter quelque réconfort à cette période vraiment de grande incertitude.

 

 

Les temps sont durs et le peuple attend un programme salvateur de la part du gouvernement, quelque chose de soulageant, de concret et pas un programme placebo qui achèvera d’un coup les plus faibles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personnellement j’avais pensé que vous viendriez ici avec un programme de crise, un programme courageux, un programme fort et un programme néanmoins de crise. Dans lequel on a pas besoin d’égrainer et de revenir encore sur tout ce que nous connaissons déjà.

 

L’accent est mis sur le programme, on attendais vraiment quelque chose de fort, de CRISE ! Mais on a plutôt eu droit a un programme standard, pas très différents des anciens dont on cherche encore les effets.

Nous avions voulu vraiment vous écouter sur la question des finances publiques, tout simplement parce que le nerf de la guerre c’est d’abord cela […] on aurait souhaité qu’avec votre équipe vous seriez ceux là qui ont fait ce travail courageux, attendu par tous de libérer tout simplement les services de régi financière tel que la douane ou les impôts, parce que nous savons très bien que quoi que nous disions, quoi que nous fassions, si nous avons pas atteint un minimum de résultat à ce niveau là, tout ce qui a été bâti aussi cohérent que ce soit ne pourrait pas voir le jour, bientôt, en tout cas.

La question des finances a été bâclée, voire même pas bien abordée, alors que notre problème actuel est financier. Décidément notre gouvernement a le sens des priorités.

On espérait que le gouvernement aurait eu l’audace de libérer les services de régi financière qui, ma foi ont une gestion aussi claire qu’un Coca-cola. Tant que ça continue comme ça on est aussi condamné que notre football.

La question combinée de l’emploi, de la jeunesse et des femmes aurait pu faire l’objet une fois de plus de quelque chose de plus concis, de plus concret, non une liste simplement de vœux pieux et que nous connaissons tous. 

Je suppose que sur le chapitre À voir plus tard figurait : l’emploi, la jeunesse et les femmes. Comme on le sait tous, les vœux pieux du gouvernement se réalisent parfois vite (mise en retraite)  ou tardivement comme un avancement.

C’est pas parce que N’djamena est déjà devenue la vitrine de l’Afrique, comme la télévision aime le dire que le quart de la population (du pays) vit agglutinée autours de cette ville. Mais c’est parce que ailleurs c’est devenu invivable, le petit peuple ne peut plus vivre tranquillement, calmement, avoir accès à l’eau, à l’école, à la santé en dehors de cette zone là. On ne peut pas continuer comme ça !

Certains bien informés par la Télé Tchad se diront que tellement N’djamena est magnifique qu’elle favorise l’exode rural. Eh ben non. Quand t’habite dans un coin oublié de l’État où la justice est rendue par des commandants de brigade, où il n’y à ni eau ni électricité, pas d’écoles digne de ce nom, ton instinct te force à te déplacer comme un oiseau migrateur.

Et arrivé à N’djaména tu te rends compte qu’y vivre ce n’est pas une sinécure. Et voilà que tu fais ce qu’on appelle l’exode urbain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’accès à l’eau potable est devenu véritable problème dans certaines régions

La député a illustrée ses propos avec la Senafet (semaine nationale de la femme tchadienne) qui a eu lieu dans la ville de Biltine situé dans le Ouaddaï Géographique. Les invités ont été ravitaillé par des citernes en provenance d’Abeche qui est tristement célèbre pour ses mégas pénuries d’eau. Malgré les promesses ces régions ont toujours des problèmes d’accès à l’eau car leur sol rocailleux rend impossible de mettre en place des forages si ce n’est avec un matériel adapté dont seul peut se procurer l’État.

Notre pays est confronté dans certains endroits à de sérieux problèmes […] depuis les 10 dernières années jusqu’à aujourd’hui y’a des tchadiens qui sont devenus des personnes errantes dans leur propre pays, y’a des tchadiens qui sont obligés de quémander autours des camps de réfugiés pour pouvoir survivre. Monsieur le premier ministre, c’est nous qui faisons fasse à ses populations là et c’est à ces populations là que nous sommes tenu de répondre. 

En parlant de crise migratoire la député fait savoir que certains de nos frères errent et parfois mendient pour survivre. Triste réalité de populations oubliées.

Mesure t’on la honte d’un député qui revient à ceux qui l’ont élu sans avoir changé quelque chose à leur quotidien?

Madame Aziza Baroud est la seule qui s’intéresse à ceux qui l’ont élu. Mes respects.

Et pourtant on fait comme si tout va bien, comme si on doit noyer tout ses problèmes, dans les 

problèmes généraux.

On a des députés qui n’ont jamais pris la parole à l’Assemblée. Ils sont que des figurants. Et vu leur inertie j’en déduis que ceux qui les ont élus se portent à merveille.

Je ne parle plus de reforme, car ce mot là est devenu banal.

Nos reformes ne sont qu’esthétiques, on veut une révolution.

 

Nous sommes entrain d’accumuler un certains nombre de problèmes, N’djaména est devenue une véritable bombe à retardement. Le compte à rebours a commencé, il ne faut pas que l’on se voilà la face, il faut qu’on touche aux problèmes qui fâchent, fâchons nous une bonne fois pour toute mais trouvons des résultats, des issues. On ne va pas solutionner tout les problèmes, c’est pas vrai. Mais il y a quand même des thèmes sur lesquels on ne peut plus s’amuser. 

Mieux vaut prévenir que guérir dit-on, mais vu qu’on est déjà malade le mieux serait d’assumer sa maladie de lutter et d’arrêter de jouer aux cons.

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L’intervention de madame Aziza Baroud a été diversement appréciée.

Madame Aziza Baroud en s’adressant au gouvernement s’est faite avocate du peuple tchadien et a fait preuve d’une finesse d’esprit et d’un raisonnement plus poussé que tout les députés de l’hémicycle depuis le début de l’année.

Comme d’habitude certains manquant cruellement de matière grise en ont profité pour polémiquer en racontant du n’importe quoi.

Il s’agit ici ni d’une défection ni d’un quelconque intérêt politique, mais bel et bien de l’avenir du peuple tchadien.

Encore mes respects.

Annadjib

 

 


L’effet lettre ouverte

Ces derniers temps, c’est devenu une coutume d’adresser des lettres ouvertes aux autorités dès qu’une chose nous déplaît en espérant ainsi pouvoir changer les choses.

Mais voilà, ces lettres ouvertes personne ne les lis. Ceux qui les envoient régulièrement ont dû oublier que le contexte tchadien est différent de celui des occidentaux.

C’est juste des lettres « ouvertes »

Depuis le début de l’année on a eu nos doses de lettres ouvertes, certaines provenant d’étudiants, d’ONG, d’opposants…

Je ne vous cache pas que le concept de lettre ouverte me déplaît. Écrire une lettre et au lieu de l’envoyer à son destinataire avec accusé de réception pour être sûr qu’il l’a lu, on la poste plutôt sur le net et ainsi tout le monde la lis sauf le destinataire en question.

J’imagine mal le Premier Ministre se faire imprimer chaque jour sa dose quotidienne de lettres ouvertes trouvées sur internet et même s’il les lis, va t-il se dire : « ces étudiants ont raison, faut faire quelque chose pour eux «  ou « les ONG ont raison faut stopper la censure du net » ? Évidemment non, la preuve, les étudiants tchadiens de Ouagadougou ne sont toujours pas satisfaits et la censure a encore de beaux jours devant elle.

Le comble c’est quand il y a une lettre ouverte demandant la démission du Président de la République car il est la cause des maux du pays. Je ne sais pas si un Président a déjà été assez fou pour démissionner suite à une lettre ouverte, mais sûrement pas le notre.

Ces lettres ont des effets discutés

Ces lettres, dès leur envoi, sont dans le néant. Une non existence car autant qu’une pétition virtuelle elles ne sont qu’une perte de temps pour ceux qui les lisent et ceux qui les écrivent.

Sûrement celui qui en écrit une se sent apaisé d’avoir accompli son devoir de révolutionnaire 2.0, se sent comme ayant mis une brique sur le grand chantier de la démocratie, surtout quand sa lettre reçoit des commentaires comme :

« bravo confrère, seule la lutte libère. Le combat continue…belle lettre. »

Car c’est connu, Ouattara et Gbagbo à force de recevoir des lettres ouvertes ont préféré quitter le pouvoir que de se faire assommer par ces lettres.

Je considère ces lettres comme l’expression d’une lâcheté déguisée sous les traits d’une nouvelle lutte qui privilégie plus l’inaction que la descente sur le terrain.

Vu comment c’est parti j’espère que désormais le gouvernement aura l’audace d’équiper les forces de l’ordre avec des lettres ouvertes pour enfin avoir la paix car c’est conventionnel et démocratique.

Annadjib


Quel bilan faire des musiciens tchadiens ? 

Triste est de constater que les musiciens tchadiens ne sont plus ce qu’ils étaient. Rares sont les musiciens qui font parler d’eux à l’extérieur du pays, déjà que même à l’intérieur certains restent de parfaits inconnus.

C’est en ce sens que je me dis parfois que les vrais musiciens tchadiens sont morts, car leur héritage est détruit par l’actuelle génération.

Immense fut ma fierté quand en regardant Aya de Yopougon j’entendis « Les jaloux saboteurs » de maître Gazounga qui, contrairement à la génération actuelle a su s’exporter et s’imposer au delà des frontières. S’il a pu accomplir cet exploit, qu’est ce qui empêche ceux d’aujourd’hui à faire pareil ? Surtout qu’aujourd’hui grâce à internet on peut vite se faire connaître. On va pas se mentir, le niveau fait défaut.

NOS MUSICIENS SONT DÉCLASSÉS

Ils sont de plus en plus nuls car leur musique, si on peut l’appeler ainsi n’est parfois qu’une combinaison de sons incongrus, de refrains et de rimes qui ne veulent rien dire. Leur musique ne fait presque passer aucun message.

En parlant de message, le thème favori de nos artistes c’est la paix et l’unité. Je ne dis pas que ce n’est pas bien d’en parler, mais vu que ça revient toujours en boucle c’est lassant.

Un musicien digne de ce nom est sensé innover, les Camerounais voisins ont inventés le MAKOSSA et le BIKUTSU, les Ivoiriens eux ont le fameux COUPÉ-DÉCALÉ. Qu’avons-nous actuellement ? Rien.

C’est pour ça que je pense que c’est peine perdue, rares sont les musiciens tchadiens qui vivent de leur métier, leur quotidien c’est d’aller chanter dans des petits bars et parfois dans les quartiers.

MAIS HEUREUSEMENT Y A L’ÉTAT PROVIDENCE 

L’état tchadien verse chaque année aux artistes reconnus par le ministère de la Culture ( je pense qu’ils doivent se faire immatriculer comme les commerçants au registre du commerce) une bagatelle de 200 000 francs, comme droits d’auteur. Bref une misère.

Parfois ils sortent de l’ombre pour faire des clips. Dernièrement c’était pour la prévention des attentats, leur clip en lui même était un massacre lyrical. C’est ainsi qu’ils deviennent parfois des instruments de propagande sans le savoir.

ET CERTAINS S’EN SORTENT

L’exception confirme la règle, malgré le fait que le bilan de nos musiciens soit catastrophique, certains sortent du tas et ont su charmer avec leur musique, H SAO.

Malheureusement on constate que certains de nos musiciens qui réussissent décident de s’installer ailleurs pour des ‹‹raisons personnelles›› et s’improvisent pour la plupart du temps politiciens car vu qu’ils n’arrivent à rien dénoncer avec leur musique, l’activisme est pour eux un nouveau domaine de prédilection.

Annadjb


Tchad : l’argent de l’État 

Il ne se passe pas un jour sans que je n’entende quelqu’un en parler : l’argent de l’État par ci, l’argent de l’État par là. Ce terme est dans toute les bouches, du cadre au chômeur, du commerçant à la simple ménagère, du mendiant à l’enfant.

Alors, c’est quoi l’argent de l’État ?

Toute personne avisée se dira qu’il s’agit juste de l’argent appartenant à l’administration, au gouvernement etc.

Au Tchad l’argent de l’État c’est celui de tout le monde 

Mais pour le tchadien, l’argent de l’État c’est l’argent qui n’appartient à personne, mais paradoxalement à tout le monde. Pas bête. L’État c’est nous, et donc, son argent c’est aussi le notre.

C’est avec cette logique que de plus en plus de personnes légitiment les détournements, en expliquant que cet argent n’appartient à personne, et s’en servir quand on en a l’occasion est un acte louable. Il faut avouer que quand un cadre de la place détourne quelques milliards, passe deux mois en prison et ressort profitant de son argent volé, avec une promotion en prime, ça encourage les autres à faire de même. On dirait que la justice est laxiste quand il s’agit de détournements de l’argent public.

C’est ainsi que de nos jours, quand on voit un cadre se contenter de son salaire, on le maudit et on le traite de lâche, d’idiot. Car c’est devenu coutume dans notre société de se servir quand on en a l’occasion. Et voilà qu’on gonfle les bons de commandes, qu’on crée des marchés fictifs… l’inspiration ne manque pas. Les cadres honnêtes se font de plus en plus rares. Certains vont jusqu’à dire « l’argent de l’État ? On en rendra pas compte, même devant Dieu ».

On m’a raconté à l’époque l’histoire d’un jeune qui fut nommé à un poste juteux, son père lui dit alors « sois un homme ». Comprenez autrement : débrouille-toi pour nous construire des maisons, et t’assurer une retraite digne de ce nom. Donc, il faut faire comme les autres.

Au Tchad tout fonctionnaire riche a forcément mangé l’argent de l’État 

On se dit que tout cadre riche a forcément volé de l’argent un jour. Parce que c’est difficile d’expliquer comment en trois ans à la fonction publique certains arrivent à se construire des maisons, s’acheter des voitures et tout ce qui va avec. Peut-être qu’ils étaient riches bien avant, peut-être qu’ils ont vendus leurs âmes au diable, peut-être qu’ils se débrouillent ailleurs. Peut-être qu’ils ont juste fait comme tout le monde… Mais on refuse parfois d’admettre la vérité car la jalousie est mauvaise conseillère.

En ces temps de crise on parle de ce qui nous manque le plus : l’argent, on voit de l’argent volé partout. Parfois, je me promène avec un ami qui, dès qu’il voit une belle maison, une belle voiture dit « regarde, c’est encore eux ». Bref le genre de personnes qui maudissent ceux qui bouffent l’argent de l’État et espèrent faire pareil quand ils auront l’occasion.

Annadjib 



Tchad : Bourse et manifestations 

Dans le cadre des 16 mesures d’urgence prises par le gouvernement afin d’endiguer la crise il y’a la suppression de la bourse des étudiants de l’intérieur, ce qui fera selon les prévisions économiser à l’Etat quelques milliards. 

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Je me souviens qu’il y’a quelques années, bien avant l’amplification de la crise des rumeurs circulaient tantôt sur l’augmentation de la bourse, tantôt sur sa suppression car ça perturbe le bon déroulement des cours (son payement n’étant pas régulier, ça provoquait des manifestations à chaque retard). J’en déduis donc que ce projet était depuis longtemps dans les tiroirs du gouvernement.

Cette bourse est une aide de l’Etat que perçoivent les étudiants, 30000fcfa, comparé aux dépenses journalières d’un étudiant c’est presque rien.

Le gouvernement justifiant cette décision par le fait que les étudiants ont à leur disposition des bus et un restaurant rendant donc inutile la bourse.

OK, essayons de justifier l’affirmation. 

Prenons le cas du bus, pour les étudiants de Toukra qui le ratent faudrait débourser une belle somme si l’on veut se rendre à l’université qui est à une dizaine de kilomètres de n’djamena, dans ce cas si on a rien en poche mieux vaut rentrer chez soi.

Quant à la restauration c’est plus ce que c’était, chaque année c’est pire les rations sont insuffisantes, parfois les étudiants se plaignent du manque de sauce, de sucre etc. Si l’on ajoute à tout cela les bousculades on comprend vite pourquoi de plus en plus d’étudiants désertent les restaurants universitaires, surtout ceux qui n’ont pas assez de force pour se frayer un passage.

C’est pour ça que je me dis que la décision du gouvernement est plutôt mal calculée, on aurait pu juste diminuer de moitié la bourse comme on l’a fait avec la prime des députés, mais bon, mieux vaut fâcher les étudiants que nos élus du peuple qui sont véhiculés par l’État malgré leurs salaires faramineux et qui sont d’une utilité douteuse :  » les dormeurs de la république »  disait à propos d’eux un rappeur de la place.

Et voilà que pour protester on manifeste, des étudiants et policiers blessés, des voitures brûlées, des routes bloquées, s’en suit l’arrestation de quelques leaders étudiants puis leur libération.

Le gouvernement ayant déjà pris la décision je pense qu’il est trop tard, honnêtement combien de décisions furent annulées à cause de protestations ? Aucune à ma connaisance.

À côté de ces étudiants qui ont jurés de ne pas lâcher l’affaire mais paradoxalement reculent à chaque fois que la police avance, il y en a qui se disent qu’ils sont venus à l’université pour y sortir avec un diplôme le plus vite possible, avec ou sans bourse. Donc pas question de risquer sa vie dans des manifestations infructueuses.

Pour moi ces étudiants sont loins d’être lâches et résignés, ils sont plutôt lucides car on ne peut gagner une guerre en tirant à blanc.

Annadjib 


Calvaire d’un fonctionnaire tchadien

Les mesures d’austérités ne choisissent pas leurs victimes et ainsi achèvent les plus faibles. 

La crise est arrivée et parmi ses principales victimes il y a les fonctionnaires qui, non préparés, vivent ces derniers mois un véritable enfer. 

Bechir, est un brave fonctionnaire tchadien, la cinquantaine et père de 4 enfants.

La déception se lit sur son visage crispé. Bechir est fonctionnaire depuis déjà 25 ans. Depuis son arrivée à la fonction publique il en a vu de toutes les couleurs. Humiliations, mépris, l’impression d’être invisible et de n’être qu’une machine dont le quotidien n’est que de traiter des documents. Il a même eu comme chef de service quelqu’un ayant l’âge de son fils, et même ça il l’a enduré en espérant qu’un jour, il changera de place dans cette hiérarchie qui privilégie plus les liens de sangs et opinions politiques que le travail.

On approche déjà de la fin du mois et toujours rien. Aux 3 mois d’arriérés de salaire vient s’ajouter un 4ème.

Bechir est de ceux qui n’ont aucune autre ressource que leur salaire pour faire subsister leur famille. La crise, il ne s’y était pas préparé (comme tout le monde). Les dettes s’accumulent tout comme la haine contre ceux qui ont plongé le pays dans l’état dans lequel il se trouve.

Ses problèmes financiers du passé ne sont rien comparés à ceux qui l’attendent, la rentrée scolaire est arrivée, les établissements privés ont débutés les cours mais rien pour inscrire ses enfants, «  c’est décidé  » se dit-il, ses enfants iront à l’école publique et d’ailleurs pour réussir le plus important c’est d’y mettre de la volonté.

Malheureusement les enseignants eux aussi toujours pas payés décident de faire grève, les étudiants suite à la suppression de leur bourse décident de programmer des manifestations. Décidément la rentrée est plus qu’incertaine. Son fils aîné a eu le bac et comme ses rêves de bourses d’études sont partis en fumées, Bechir se sent incapable de ne pouvoir permettre à ses enfants d’étudier dans un environnement sain, autre que celui des manifestations à répétition, des années blanches et élastiques.

Le téléphone de Bechir sonne, serait-ce le salaire qui est enfin tombé ? Non, ce n’était que le bailleur qui vient de lui donner ultimatum.

Annadjib 


Ce que pensent les Tchadiens des blogueurs

Les Tchadiens et les blogueurs c’est une histoire compliquée car presque personne ne prête attention à ces personnages qui passent leur temps à écrire de longs articles pleins de « gros mots » et commentent toujours l’actualité avec passion alors que la majorité des lecteurs préfèrent des écrits laconiques car ils sont habitués aux petits posts Facebook.

Mes compatriotes ont un dédain envers les blogueurs, cela s’explique par le fait que l’on ne comprend pas toujours clairement ce qu’est un blogueur, la confusion règne toujours sur plusieurs points.

Un blogueur est forcément un journaliste

Un ami ayant vu quelques-uns de mes billets se demandait si j’étais devenu journaliste car j’écris des articles et c’est connu que ce sont les journalistes qui écrivent des articles.

J’ai répondu que non, j’ai essayé de lui expliquer qu’un blog c’est comme un journal personnel dans lequel on s’exprime, on peut y parler de tout et de rien, on peut y partager son opinion et prendre position en plus n’importe qui peut créer un blog.

Je me suis rendu compte que le message n’est pas passé quand il m’a dit qu’en bref je suis un opposant.

Un blogueur est forcément un opposant

Pour les tchadiens un blogueur est forcément un opposant, cela s’explique par le fait que la majorité de nos blogueurs sont pour la plupart des exilés qui ont pour domaine de prédilection la politique, ils sont connus pour leurs violentes prises de position et c’est ainsi que blogueur rime chez beaucoup avec opposant car on est habitué à lire des critiques, critiques et toujours des critiques.

D’ailleurs pour beaucoup une simple prise de position est assimilée à faire de la politique et donc forcément être un opposant. Parfois je me demande ce que les tchadiens comprennent par « opposant »

Quand tu critiques ou dénonce ce qui va pas au #Tchad on dit que t’es un opposant, si c’est l contraire t un griot…


— fatakaya (@annadjib) 14 mai 2016

Donc quand on ne cesse d’écrire sans être un journaliste ni un opposant on gagne de l’argent ?

Un blogueur gagne forcément de l’argent.

Beaucoup pensent que le fait d’être un blogueur doit rapporter de l’argent car ils écrivent sans cesse, ils sont toujours actifs et vu leur détermination il doit y avoir quelque chose derrière.

Oui pour la plupart du temps il y a quelque chose derrière cet enthousiasme et on appelle ça de la passion.

Même si certains génèrent des revenus avec un blog , la majorité écrivent par passion et amour. C’est ainsi que quand j’ai dit à un ami que j’écrivais par passion, juste pour me faire plaisir, il me répondit sèchement :

– t’as juste rien d’utile à faire.

Comme quoi quand on s’investit dans quelque chose c’est forcément pour gagner de l’argent.

Mais heureusement cette donne change petit à petit avec des personnes qui s’intéressent de plus en plus à ce qu’est un blog.

Annadjib


Établissements scolaires et quête d’argent facile

Depuis quelques années le nombre d’établissements scolaires est en net croissance, certains penseront que ce vif intérêt pour la création d’écoles, lycées et instituts est un signe de l’importance qu’on accorde à l’enseignement au pays, bien au contraire tout est une question d’argent.

À l’approche de la rentrée les communiqués, affiches et tracts vantant les mérites d’écoles, lycées et instituts fraîchement créés sont nombreux, tellement nombreux que parfois les publicités sont tellement abusives quelles deviennent mensongères, promesses d’un environnement propice à l’éducation, promesses de salles informatiques et de sorties scolaires, promesses de diplômes reconnus dans la sous-région, mais en réalité tout est fait pour attirer les « clients ».💸

Ces établissements sont pour la plupart du temps fondés par des hommes d’affaires et particuliers qui veulent se faire des sous 💰 rapidement et ainsi profitent du laxisme dans le suivi des établissements scolaires au Tchad.

Créer un établissement scolaire chez nous c’est facile, suffit d’avoir un fond de départ, un bâtiment et enfin la fameuse autorisation du ministère de l’enseignement qui est obtenue sans difficultés .

Le problème avec l’augmentation de ce genre d’établissements c’est que la quantité passe au détriment de la qualité, mais bon, on a jamais eu envie d’éradiquer la baisse de niveau, l’essentiel c’est que plus on a d’établissements plus on a d’argent qui entre dans le trésor public.

Et comme le Tchadien est « complexe » va savoir pourquoi quand quelque chose est neuf et onéreux il se rue dessus.